Tribune

Hommage à Xavier Brocker

Fondateur de Nancy Jazz Pulsations en 1973, ce fou de musique avait conservé intact son amour-passion pour le jazz qu’il respirait comme un autre oxygène.


Xavier Brocker vient de nous quitter. Fondateur de Nancy Jazz Pulsations en 1973, ce fou de musique avait conservé intact son amour-passion pour le jazz qu’il respirait comme un autre oxygène. Sa disparition laisse un grand vide dans le paysage culturel lorrain, dont il fut un des animateurs les plus enthousiastes.

Xavier Brocker avait un cœur « gros comme ça » dont le pouls aurait mérité d’être qualifié de pulsation ! Ce même cœur qui vient de le trahir… C’est un personnage, un vrai, qui s’en va. Il laisse un vide énorme autour de lui tant ses amis étaient nombreux et son énergie contagieuse. Il avait 73 ans.

Xavier Brocker

Il était tombé dans le jazz à l’adolescence, contractant un heureux virus contre lequel personne n’aurait jamais pu le vacciner. C’était en 1954, après un concert de Sidney Béchet à la Salle Poirel de Nancy. « Le jazz, c’était une musique pour adolescents, et si différente de celle de nos parents ! A cette époque, les personnes cultivées n’écoutaient que de la musique classique, et dans les milieux plus modestes, on appréciait plutôt la variété populaire, comme Piaf ou Luis Mariano. (…) A ses débuts, le jazz était considéré comme une musique de sauvages. Il existait même une sorte de racisme sous-jacent dans ces préjugés ». Voilà ce que disait Xavier Brocker, lui qui avait su faire fi de cette injuste réputation pour devenir un des plus ardents défenseurs d’une musique pas comme les autres, dont le rythme et le swing allaient le hanter jusqu’à la fin.

C’est en 1973 que ce grand monsieur, animateur du Hot-Club de Nancy, persuada la Ville d’organiser un festival de jazz. Un sacré pari, une aventure à construire ! Il avait su fédérer les énergies en réunissant autour de lui Gilles Mutel, Claude-Jean « Tito » Antoine (actuel président) et Roland Grunberg. Nancy Jazz Pulsations était né. Premier directeur artistique du festival, homme de vaste culture, Xavier Brocker sut mettre tout son engagement au service d’une programmation éclectique où ses goûts, à l’origine plutôt classiques, n’avaient jamais omis de faire la place à des artistes et des univers plus aventureux, tels ceux de Sun Ra ou Dollar Brand… « Oubliez les idées toutes faites », ne cessait-il de répéter.

Nancy Jazz Pulsations fêtera prochainement ses 40 ans ! L’enfant de Xavier est aujourd’hui un adulte robuste et reconnu.

Musicien à ses heures, il lui arrivait de jouer du piano ou de la clarinette, mais il était d’abord une encyclopédie vivante, un boulimique de la connaissance, toujours soucieux de transmettre sa passion au plus grand nombre. Journaliste à l’Est Républicain, il était aussi l’auteur du Roman vrai du jazz en Lorraine. Retraité hyperactif, on le retrouvait souvent en animateur de conférences passionnées, illustrées par des écoutes dont il raffolait, aussi bien à destination des jeunes que des adultes. Des rendez-vous singuliers et irremplaçables qu’il appelait avec une tendresse gourmande des causeries. Il consacrait aussi une partie de son temps à l’animation d’émissions de radio, dédiées au jazz, forcément, mais aussi aux musiques du monde. Il avait pris une part prépondérante à l’élaboration du CD 50 ans de jazz en Lorraine, publié sur le label Etonnants Messieurs Durand. Xavier était un être curieux, toujours prêt à se frotter à de nouvelles découvertes. Il était un grand monsieur, un épicurien insatiable, la musique et le jazz étaient pour lui un sel vital.

Xavier Brocker va nous manquer, cruellement. Toutes nos pensées vont vers sa famille et ses proches, que nous assurons de notre plus musicale fidélité.

Adieu l’ami !


En septembre 2010, Xavier Brocker avait eu la gentillesse de m’accorder un long entretien car je souhaitais qu’il me raconte l’édition 1975 de Nancy Jazz Pulsations, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle fut mouvementée et haute en couleurs. 45 minutes d’interview - qui devient ici un monologue - passionnée et passionnante, sans coupure, sans montage, dans l’ambiance parfois bruyante de la brasserie où nous nous étions installés.

A écouter ici :