Chronique

Hugo Carvalhais

Particula

Hugo Carvalhais (b, elec), Gabriel Pinto (cla), Mario Costa (dms), Emile Parisien (ss), Dominique Pifarély (vln)

Label / Distribution : Clean Feed

Repéré avec Nebulosa, son premier album chez Clean Feed, sur lequel il avait invité le saxophoniste Tim Berne à se joindre à son trio, le jeune contrebassiste portugais Hugo Carvalhais propose une nouvelle fois avec Particula la rencontre comme motif d’exploration. Aux côtés du claviériste Gabriel Pinto et du batteur Mario Costa, qui témoignent de la vigueur du jazz lusitanien, on retrouve en effet le violoniste Dominique Pifarély et le saxophoniste soprano Emile Parisien pour un quintet très ouvert. Les deux Français apportent leur voix à une musique qui perpétue le propos du premier album : la traversée d’un continuum fait de ruptures et de limbes.

Particula explore plusieurs perspectives contradictoires. Quelles que soient ces dimensions, le mouvement du trio de base assigne à chaque improvisateur une large surface de liberté dans les interstices du silence. Dans l’infiniment petit de « Cortex », ce sont les brisures abstraites des cordes du piano qui s’abrasent au contact de celles de la contrebasse. Dans l’infiniment grand d’« Amniotic », en toute fin d’album, les deux invités du trio semblent se déliter dans un océan d’inconnu, bardé de textures synthétiques.

L’électronique sert ici de cartographie aux compositions. Remarquable travail de spatialisation des timbres, la musique de Carvalhais est très influencée par la peinture, qu’il a étudiée en autodidacte avant de se consacrer à la musique. Sur « Flux », long morceau qui ouvre l’album comme pour indiquer la direction à prendre, Pifarély et Pinto semblent sculpter avec douceur la nappe électronique qui les nimbe. Le violon cède peu à peu la place au soprano dans une continuité timbrale où seules les interactions entre improvisateurs diffèrent, telle une énergie continue circulant au cœur de la musique. Le style de Parisien, plus heurté, est l’interlocuteur idéal du jeu sec et très versatile de Costa, qui déborde de rythmiques rageuses. Au centre de ses échanges, à la fois fondamental et souvent très discret, Carvalhais impose un son très rond et indique sans autoritarisme les orientations à suivre. On appréciera sa belle introduction de « Simulacrum », qui révèle l’influence de Miroslav Vitous.

Particula est une structure mouvante, en perpétuelle régénération. Rares sont les instants où le quintet parle d’une même voix. Pour accentuer cette sensation de relief qui prévaut sur l’ensemble de l’album, Carvalhais favorise les duos et les enchevêtrements des trios. Sur un morceau comme « Generator », qui expose la puissance potentielle commune des cinq improvisateurs, comme dans le « Flux » inaugural, Pifarély et Parisien se passent le relais sans se croiser. Il en résulte un sentiment de déstabilisation étrange. On se laisse emporter, particule parmi les particules, dans le voyage onirique de Carvalhais. Ce nouveau disque est la confirmation du talent de ce contrebassiste, plus que jamais à suivre.