Scènes

Jazz à Vienne 2009 [1] : ouverture en fanfare

Une Nuit Africaine permet, en ouverture, à sept mille festivaliers de retourner aux racines du jazz ; suit une soirée gospel au cours de laquelle les notes bleues électrisent les gradins. La 29ème édition de Jazz à Vienne a réussi son lancement.


Une Nuit Africaine permet, en ouverture, à sept mille festivaliers de retourner aux racines du jazz ; suit une soirée gospel au cours de laquelle les notes bleues électrisent les gradins. La 29ème édition de Jazz à Vienne a réussi son lancement.

- Samedi 27 juin : Mama Africa

Pour la première fois de son histoire, Jazz à Vienne ouvre sur une note thématique africaine. Manière de se remémorer la matrice de la musique américaine… Ce retour à la Mère Afrique permet au festival de démarrer en fanfare : en cette soirée d’ouverture, près de sept mille spectateurs envahissent les gradins. Des gradins au-dessus desquels flottent les mânes de Michael Jackson, à qui Jean-Paul Boutellier, le patron, dédie ce festival 2009.

Cette première soirée est à double détente, à l’image des deux facettes de la musique africaine. La première est magnifiquement illustrée par Cheick Tidiane Seck, pape de la musique malienne.

Cheick Tidiane Seck © Patrick Audoux / Vues-sur-scènes

Revêtu pour la circonstance d’une tenue dogon, le compositeur de l’historique Sarala, par ailleurs excellent organiste, jette un pont entre l’Afrique et le jazz. A ses côtés, l’icône de la soirée, le géant du jazz Hank Jones, un gamin de 91 ans qui a joué avec les plus grands (Charlie Parker, Miles Davis, Stan Getz), a troqué son costume trois pièces pour une toque de chasseur et le bogolan malien.

Hank Jones © Patrick Audoux / Vues-sur-scènes

Placide, droit comme un « i », il envoie avec son élégance coutumière de superbes envolées vers la voûte étoilée. Djembé, balafon, n’goni… établissent d’emblée un ambitieux métissage entre les USA et l’Ouest africain à travers les magnifiques « Hank Miri », « Polka Dots and Moonbeams » et le poignant « Motherless Child ».

En deuxième partie, la majestueuse et plantureuse Oumou Sangaré, déploie elle aussi ses racines africaines en développant le style « wassoulou », du nom de l’immense région du sud du Mali dont elle est originaire.

Oumou Sangaré © Patrick Audoux / Vues-sur-scènes

Une musique populaire, très dansante portée par des voix de femmes provoquant d’immédiats effets d’ondulation au sein de la foule massée devant la scène.

En troisième partie, changement radical : sans racines, difficile de construire…. Le Sénégalais Youssou N’Dour a tendance à faire de moins en moins cas de ses origines africaines en électrisant sa musique à outrance et en saturant le son. Une tendance encore accentuée ce soir-là par une mauvaise sonorisation. À oublier.

- Dimanche 28 juin : Une soirée très inspirée

Il faut bien le dire, les soirées gospel de Jazz à Vienne n’ont jamais respiré l’originalité, et quand on n’était pas fana du genre, on pouvait s’ennuyer ferme. Aussi doit-on marquer d’une pierre blanche la soirée du dimanche 28 juin. Car Jean-Paul Boutellier avait décidé de sortir des sentiers battus en proposant ce qu’on a rarement l’occasion d’entendre, à savoir la musique sacrée du Duke, ici version Laurent Mignard et son « Duke Orchestra », qui se consacre exclusivement à Ellington et, donc, à l’un des héritages musicaux du plus importants du XXè siècle.

Gregory Hopkins & The Harlem Jubilee Singers - Laurent Mignard Duke Orchestra © Patrick Audoux / Vues-sur-scènes

Cette formation bien huilée - composée de musiciens de valeur, et pas misogyne pour deux sous puisque comportant une femme à la rythmique (Julie Saury) et une à la clarinette (Aurélie Tropez) offre à l’auditeur un plaisir ineffable en le faisant entrer dans la belle mécanique ellingtonienne, ici dans le registre sacré, grâce à des transcriptions réalisées par Mignard à partir d’enregistrement originaux. Une bonne partie de la soirée, le Duke Orchestra est accompagné par les Harlem Jubilee Singers dirigés par Gregory Hopkins.

Gregory Hopkins & The Harlem Jubilee Singers © Patrick Audoux / Vues-sur-scènes

Or, en matière de gospel, on l’a vu, il convient de séparer le bon grain de l’ivraie. Et le public de Jazz à Vienne a eu droit au meilleur grain possible puisque ces Singers sortent tout droit de la Covent Avenue Baptist Church de Harlem ; qui a assisté à une vraie messe gospel dans une des nombreuses églises de Harlem sait avec quelle force et quelle passion ces chanteurs et chanteuses savent parfois transporter l’auditeur au-delà du réel, dans un autre état de conscience. C’est le cas ce soir, et au moment du final les gradins du Théâtre antique chavirent au gré de rythmes très chaloupés. Une soirée gospel « sacrément » bien inspirée et qui restera dans les mémoires.