Scènes

Jazz à Vienne 2012 (3) - 2 juillet

Une soirée pianissimo…


Profondément ancrée dans le jazz et consacrée au piano dans tous ses états, la soirée du lundi 2 juillet restera sans doute comme l’une des plus marquantes de cette édition 2012 de Jazz à Vienne. Une soirée au cours de laquelle, « papy » McCoy ne se révèle pas le moins véloce.

McCoy Tyner © Marion Tisserand

Des gradins baignant dans la félicité… Il est des soirs où tout paraît parfait, où le temps semble s’être arrêté. La soirée piano jazz à Vienne du lundi 2 juillet appartient à ces moments rares faits pour rester longtemps dans les mémoires festivalières.

Au sommet d’une soirée comprenant pas moins de trois plateaux et dédiée aux cordes du piano figure la légende vivante McCoy Tyner, casquette à la blancheur immaculée et souriant aux anges. A l’issue d’un set époustouflant, il envoie droit au paradis les quatre mille festivaliers du Théâtre antique. Non pas parce que la pluie a heureusement cessé dans l’après-midi et que, hormis la fraîcheur, les conditions sont optimales, mais parce que ce pilier du jazz (qui a longtemps joué avec John Coltrane) n’a rien perdu de sa vélocité, de sa couleur harmonique, ni de son enthousiasme. Le Steinway qu’il caresse et percute à la fois parle la langue des oiseaux. Retour aux sources en quelque sorte, il joue avec le saxophoniste Ravi Coltrane qui - il le prouve ce soir - s’est fait un solide prénom. Il est Ravi. Nous aussi.

Auparavant, en deuxième partie, le festival avait offert à ses spectateurs une rencontre pianistique au sommet : sur un ring composé de deux pianos tête-bêche, jouant en solo, en duo, en quatuor et à quatre ou huit mains (!), quatre orfèvres des touches d’ivoire. Deux autres légendes, Mulgrew Miller et son jeu anguleux et complexe, et Kenny Barron, lyrique et fluide, face à deux (relativement) jeunes loups : Benny Green, pianiste d’une grande souplesse, et Eric Reed tout en énergie contagieuse, tous deux se pliant avec jubilation à l’exercice et à cette rencontre entre anciens et modernes sur laquelle plane l’ombre immense de Thelonious Monk, disparu il y a déjà trente ans tout juste, mais toujours omniprésent sur les scènes jazz. Sans doute encore pour longtemps…

Ravi Coltrane & Gerald Cannon © Marion Tisserand

Tous quatre nous gratifient, grâce à des styles de jeu différents mais magnifiés dans l’athanor du jazz, de magnifiques envolées assorties de prouesses techniques appréciées des aficionados, qui expriment leur bonheur par de vifs applaudissements. Invité surprise, le pianiste français Hervé Sellin interprète « Monk’s Dream » ; de fait, l’Américain aux mille standards constitue le fil rouge d’un concert ponctué d’accords parfaits.

Cette soirée décidément bénie proposait en première partie une jolie découverte - du moins sur la scène viennoise -, Gregory Porter qui, lui, n’est pas pianiste, mais chanteur et jouera également ce soir-là au « Club de Minuit », la scène intimiste de Jazz à Vienne. Ce baryton de la plus belle eau a un physique de rugbyman. Sa voix sait aussi bien caresser que mordre le rythme à pleines dents et son Water a été élu « Album de l’année » 2010 par l’Académie du Jazz. Ce soir il saute allègrement du standard à la chanson plus ou moins contestataire, en passant par quelques perles soul, en alternant rythmes (un « Sing Sing Sing » d’anthologie) et ballades. Un Greg qui vous réchauffe l’âme…

Gregory Porter © Marion Tisserand

Line-up 1- McCoy Tyner trio with special guest Ravi Coltrane : McCoy Tyner (p), Ravi Coltrane (s), Gerald Cannon (b), Joe Farnworth (dms).

Line-up 2- Mulgrew Miller, Kenny Barron, Benny Green, Eric Reed (p).

Line-up 3- Gregory Porter (voc), Yosuke Sato (s), Chip Crawford (p, kbs), Aaron James (cb), Emmanuel Harold (dms).