Jazz à Vienne : dites 33
Mélange de nouveautés et de traditions, de grandes et de petites affiches, le festival a ouvert ses portes et son théâtre antique pour une quinzaine de jours et une centaine de concerts.
Mélange de nouveautés et de traditions, de grandes et de petites affiches, le festival a ouvert ses portes et son théâtre antique, entre autres lieux, pour une quinzaine de jours et une centaine de concerts.
A Jazz à Vienne, ce qui demeure le plus surprenant est le maintien de la tradition - au point qu’un festivalier qui se serait absenté depuis la fin des années 80 et reviendrait un vendredi ou samedi soir retrouverait à peu près tout à la même place. Même théâtre, même scène principale, mêmes dates (fin juin au 14 juillet au matin), même durée, même principe d’une seule scène payante et de plusieurs scènes annexes gratuites, des concerts depuis le début ou le milieu de l’après-midi jusqu’à 3 heures du matin et toute la cohorte d’événements picturaux, littéraires ou musicaux qui accompagnent l’événement.
De même, si la géographie viennoise a quelque peu changé depuis 86 (exit La Verrière et un étrange restaurant à double cave où les habitués se retrouvaient tard le soir), les rendez-vous nocturnes demeurent d’année en année, cette fois au théâtre de Vienne (le Club de Minuit) et sur les quais du Rhône où s’agglutinent les forçats du Jazz’Mix.
Sur scène tout de même, le festivalier ressuscité s’apercevrait de quelques différences : certes George Benson est bien présent (le 13), ainsi qu’Ahmad Jamal (pour remplacer Sonny Rollins, forfait), Chick Corea (le 30/6), Marcus Miller (le 29/06), Johnny Winter (le 6), mais aussi Chucho Valdés (10/7), Ramsey Lewis (9/7), Louis Sclavis, Michel Portal, Henri Texier (4/7), Santana (si, si), Ben Harper (5/7), David Sanborn (13/07). Mais pour le reste, il se rendrait vite compte qu’hormis ces pointures, une nouvelle génération est désormais aux commandes ou, ce qui revient au même, a été invitée à participer à cette 33e édition. Moins mono-américaine, plus européenne, même si beaucoup de ses rejetons se ressourcent en permanence du côté de New York. Parmi eux, Jacky Terrasson (4/7), Ibrahim Maalouf (30/6), Dee Dee Bridgewater (9/7), Erik Truffaz (13/7), Avishai Cohen et Youn Sun Nah (12/07), pour n’évoquer que la scène du théâtre antique.
Enfin, le revenant serait surtout frappé par l’éclosion des nouveaux talents qui irrigueront toutes les scènes, tels Cécile McLorin Salvant, Pierrick Pedron, Guillaume Perret, Jean-Philippe Scali, Sandra Nkaké, Baptiste Herbin, Céline Bonacina (lauréate il y a peu du tremplin Rezzo, ici même), Roberto Negro, Sixto Rodriguez et quelques autres. Peut-être sera-t-il alors pris d’un doute : peut-on espérer remplir chaque soir un théâtre de 7 à 8 000 places avec des affiches moins percutantes que celles d’antan ? Oui, répondraient en chœur les programmateurs de Jazz à Vienne, ces « cinq » qui se partagent à la fois la tâche de programmer les cinq scènes et de donner à l’ensemble une cohérence souhaitable. Sans doute est-ce pour cela aussi que le festival n’hésite pas, cette année, à proposer trois concerts dans une même soirée, malgré le risque de voir le grand théâtre se vider avant l’heure.
Bref, comme à l’habitude, à chacun de se construire son festival, entre la scène payante du théâtre antique à 20h30 exactes et ces multiples scènes gratuites où se dévoilent le jazz et les musiques improvisées d’aujourd’hui et de demain, depuis Cybèle - qui s’anime dès midi jusqu’en début de soirée, lieu stratégique, antique, jouissif et central du festival (c’est là que les douze candidats du Rezzo vont en découdre) -, jusqu’au Club de Minuit, situé juste en-dessus, qui s’endort chaque soir en rêvant d’être climatisé, et au Jazz Mix’ qui a su se rapproprier les rives du Rhône. Dommage, se dira enfin le festivalier ronchon, que ces scènes se superposent, l’obligeant à des choix dramatiques, notamment le 4/7 où Pierrick Pedron est en trio au Club de Minuit et Marcos Valle escorté de Lucas Santtana au Jazz Mix’.
Jazz à Vienne 33e ne déroge pas, enfin, à certaines traditions ; par exemple, offrir au lauréat du concours du Rezzo 2012 d’ouvrir la dernière nuit, en l’occurrence Imperial Quartet : Damien Sabatier, Gérald Chevillon, Antonin Leymarie et Joachim Florent, quatre jeunes passés par toutes les évolutions du jazz et qui développent un répertoire largement inédit.
Retenons aussi que Jean-Paul Boutellier, fondateur du festival et l’un des cinq programmateurs, profite de cette édition pour présenter une collection d’une cinquantaine de pochettes de vinyles, qui étaient souvent la fidèle traduction artistique des improvisations qu’elles renfermaient.