Scènes

Jazzèbre, le jazz est son dada

Jazzèbre poursuit son chemin d’aventures musicales. Pour 2025, le festival s’était associé au collectif toulousain Freddy Morezon.


Robin Fincker et Mathieu Werchowski © Michel Laborde

Ce festival d’envergure qui rayonne sur l’ensemble des Pyrénées-Orientales n’en finit pas d’étonner et de détonner aux limites méridionales de la France, au point d’en être devenu un rendez-vous incontournable. Le staff avait ingénieusement consacré une grande partie de l’édition 2025 au collectif Freddy Morezon.

Ce premier week-end de Jazzèbre, il fallait quitter le littoral pour se rendre à Eus, village perché sur un flanc de colline face au Canigó. Cette année, le sommet emblématique des PO était dans les nuages, mais la vue majestueuse sur les Pyrénées quand elles abordent la Méditerranée se laissait imaginer. Le festivalier fidèle le savait et venait en fin gourmet savourer la musique quand elle rencontre un très bel écrin.

Pour mettre en résonance ce qui se voit et ce qui s’entend, The Bedmakers proposaient de piocher dans de vieilles mélodies anglo-saxonnes pour façonner de sons et de percussions la pierre et la végétation. L’entrée en matière, faite et refaite d’airs anglais, gallois, écossais, de reels irlandais, de bourrées d’ici et d’ailleurs, donnait le ton : mine de rien, Jazzèbre transformait ainsi la salle d’Eus, pleine à craquer, en club de jazz quand ce n’était pas un pub chaleureux, un marais cajun ou encore un jardin romantique.

The Bedmakers © Michel Laborde

Le lendemain, à Port-Vendres, la cité portuaire nous rappelait que la mer est aussi une source d’industrie et de pêche. Le soleil, l’eau, le port, les chalutiers, le bleu, le blanc, la rouille, tout contribuait bien sûr à conduire la musique. Car la plupart des concerts étaient faits d’improvisation libre. À commencer par le solo sax et clarinette de Robin Fincker à la Micro-Folie. Le concert était destiné aux enfants et on voyait des moins de dix ans, casque antibruit sur les oreilles, se mouvoir au gré des cheminements musicaux. Les adultes étaient néanmoins majoritaires pour cette promenade à travers ce champ que constitue ce bord de mer animé et industrieux. Y a pas à dire, l’impro, c’est de sept à soixante-dix-sept ans.

L’improvisation libre était aussi de mise l’après-midi. Le même Robin Fincker s’était adjoint cette fois la complicité musicale du violoniste Mathieu Werchowski. Le duo Chien Pigeon, réminiscence d’un concert dans la Montagne Noire à l’occasion d’une édition de Tourisme imaginaire, avait posé ses bagages dans la salle commune du CCAS sur le port. Celles et ceux qui avaient poussé la porte du Centre de Vacances étaient guidés pour un envol de plus d’une heure dans un univers fait de matière sonore, de phrases, de folklore imaginaire. Le moment était fort, preuve qu’on ne s’improvise pas improvisateur.

L’aventure, déjà dense, s’était enrichie d’une lecture musicale puis de la Grande Fanfare. Port-Vendres vibrait depuis le matin et, comme si ce n’était pas suffisant, le théâtre accueillait le soir le quartet de Naïssam Jalal pour un atterrissage tout en douceur. Le line-up pouvait intriguer puisque la contrebasse de Claude Tchamitchian côtoyait le violoncelle de Clément Petit en plus de la batterie de Zaza Desiderio et la flûte de Naïssam Jalal. Le projet constitue un trait d’union entre des rituels et leur mise en musique. Un écho tout trouvé entre des sensations visuelles et sonores. Après Rhythms Of Resistance, son projet précédent, Healing Rituals constitue le moment de la résilience et de la réparation. Les morceaux sont ainsi déclinés en autant de rituels. Celui de la Terre a la particularité d’être aussi une prière pour Gaza et une Palestine libre. Les applaudissements francs et spontanés montraient qu’on était en communion. Le besoin de paix et de justice, sans l’ombre d’un doute.

Le festival devait poursuivre sa route deux semaines durant en proposant de structurer de musiques, poésies et rencontres les quatre coins du département. Aux manettes, Ségolène Alex, Fany Barra et Séverine Lévy s’échinent avec une équipe de bénévoles et un réseau de partenaires pour faire de ce festival et de la saison un grand événement quasi continu d’utilité publique : mission accomplie, et pas qu’un peu.