Jean-François Abert, poète des saveurs
Jean-François Abert est décédé dimanche d’un cancer, à l’âge de 64 ans.
Journaliste disert, curieux, affamé de tout, il explorait à grandes enjambées les mille facettes de l’invention culturelle humaine, que celle-ci le porte vers la cuisine, le théâtre, le jazz ou la littérature.
C’est d’ailleurs en raison de cet appétit de culture qu’il fut l’un des artisans de l’aventure Lyon-Libération, à partir de 1986, en prenant en main le service culturel du quotidien qui, pour la première fois, tentait une décentralisation.
Parallèlement, ce fumeur invétéré a su donner à la gastronomie lyonnaise, stéphanoise ou plus lointaine, ses vraies lettres de poésie. Plusieurs livres – dont certains épuisés - rendent compte de cette inlassable quête des saveurs : Lucide et Ludique avec Pierre Gagnaire, La Cuisine chez Régis Marcon ou, précisément, Le Génie des Saveurs… et combien de chroniques qui prirent place tour à tour dans Lyon–Poche (sous le pseudo de Jean-François Werner), dans Libé ou, plus récemment, dans le Dauphiné Libéré !
Mais parallèlement, « JFA », haute figure rabelaisienne à la voix forte, théâtrale, ne cessait de se pencher sur la scène du jazz actuel, l’auscultant d’une plume élégante, corrosive et chaleureuse, amoureuse des mots, qui transformait à coup sûr chacun de ses articles en un moment rare de lecture. Grand témoin de l’essor de cette musique durant plus de trente ans, mettant au besoin la main à la pâte (les Concerts de la Tour Rose à Lyon), et ne cessa de déambuler, d’aimer, de tempêter. Gare aux musiciens « verbeux » en panne d’inspiration…
Jusqu’au bout, en juillet dernier, fatigué mais superbe, on l’aura vu se pencher près de la grande scène de Jazz à Vienne pour mieux saisir les finesses de ce festival qu’il aura accompagné (et largement commenté) depuis son premier jour.
Jean-Claude Pennec