Chronique

Jean-Sébastien Simonoviez Trio

Transe lucide

Jean-Sébastien Simonoviez (p), Jean-Jacques Avenel (b), Anthony Moreno (dms)

Label / Distribution : H

Il arrive qu’on soit encore plus surpris qu’on le subodorait. Dans une boîte aux secrets hermétiquement close depuis plus de vingt ans, on s’attend à trouver des miracles ou de la poussière, du vent ou des trésors. Transe lucide, disque enregistré en trio par Jean-Sébastien Simonoviez avec le batteur Anthony Moreno et le contrebassiste Jean-Jacques Avenel relève plutôt du sortilège. Il faut consulter plusieurs fois la pochette pour s’assurer que ce que l’on entend ici a bien été enregistré en 1991 et non la semaine dernière. Les bandes ont lanterné deux décennies avant de se faire mettre sous presse, en l’occurrence par le label Hâtive. On en n’est plus à un jeu de mot près.

A l’écoute de « Clara » où le jeu tout en sobriété de Simonoviez s’allie à merveille à la rondeur d’Avenel comme un perpétuel contrepoint, on est frappé par la modernité de la musique. Cette Transe lucide regarde autant du côté de Jarrett que dans la grande culture classique du pianiste, et définit une musique où la tempérance annihile toute péremption. On retrouve même dans les solos miniatures de la fin de l’album (« Solo 3 ») les virgules oniriques de son solo Vents & marées, lui aussi capté au studio de La Buissonne, fidèle depuis toujours. C’est pourtant en trio que le pianiste met le mieux en valeur ses compositions lumineuses. On connaît, depuis Crossing Life and Strings (où étaient conviés J.-J. Avenel, Riccardo Del Fra, Barre Phillips et Steve Swallow), la fascination de Simonoviez pour les basses, qu’il délaisse pourtant volontiers pour laisser plus de place à ses invités.

« Roumania », magistralement ouvert à l’archet, offre au contrebassiste une liberté totale sans pour autant éteindre la parole collective, qui ne serait rien sans le jeu coloriste du batteur. A l’instar de ses deux comparses, Moreno joue avec décontraction et fluidité, sans démonstration inutile. On pourrait le croire cantonné à un rôle de liant dans un triangle consacrant la relation substantielle, naturelle, d’Avenel et Simonoviez. Mais le triangle se révèle mouvant. La batterie sait inverser les connivences sans violence, à défaut des rapports de force. C’est le cas dans l’énergique « Evan », seul morceau qu’il signe. Mais c’est surtout sur « Translucide » que la lente déconstruction de son jeu est l’écrin idéal pour mettre en lumière les divagations minutieuses des deux autres, comme un condensé de l’album. L’attente a été longue, mais on se prend à espérer qu’il reste d’autres surprises sur les étagères de ce pianiste…