Chronique

Jérémie Ternoy trio

Bloc

Jérémie Ternoy (p), Nicolas Mahieux (cb), Charles Duytschaever (dr)

Label / Distribution : Zig-Zag Territoires

Pianiste du nord de la France, Jérémie Ternoy sévit dans plusieurs formations de styles musicaux différents : Soft Meeting en hommage à la musique de Soft Machine, Elijah et son jazz fusion chroniqués ici-même, et plus récemment Grimm, le dernier groupe du batteur Thomas Grimmonprez.

Mais c’est avec son propre trio que Ternoy s’est fait remarquer. Après un premier album en 2004 paru chez Reshape Music, Bloc lui a valu les faveurs de l’Afijma en 2008. Le trio a été sélectionné pour participer à Jazz Migration 2008 et tourner dans des festivals et grandes salles culturelles de l’Hexagone (« Jazz Migration »). Soutenu par Vienne Action Culturelle, ce CD n’est pas distribué, mais « seulement » produit par le collectif de musiciens Zoone Libre.

Par une parenthèse, on a beaucoup parlé ces dernières années de la situation « catastrophique » du marché du disque. « Cent labels naissent par an et 110 meurent » disait Pascal Anquetil, de l’IRMA. Les labels ont peu de moyens, vendent mal et peu et aident peu voire pas les musiciens. On finit par se demander si ce ne sont pas les musiciens qui font vivre les labels, et non plus l’inverse. Et finalement à quoi sert de « faire un CD » quand on est musicien ? Les avis divergent : certains considèrent que c’est un support pour prospecter auprès des festivals (moyen d’autant plus efficace si le disque est soutenu par un label, gros et connu si possible). D’autres - et souvent les mêmes - espèrent les vendre à la fin de leurs concerts. Pour d’autres encore, ça ne sert tout simplement à rien. C’est d’ailleurs une idée qui se répand ; certains collectifs et associations commencent à imaginer des sites où les professionnels auraient accès au téléchargement de leur œuvres. Point. Pour autant, enregistrer demeure important pour les musiciens. Et ce CD aura été une bonne carte de visite pour Jérémie Ternoy puisque que l’Afijma a pris son trio sous son aile pour l’année. Il se sera ainsi passé de l’aide d’un label pour sortir du lot.

Le groupe est en partie un « power trio » : il produit beaucoup d’énergie sur des morceaux vifs, l’ensemble est très carré et très en place. Sans fioritures, mais en s’investissant vraiment, les instrumentistes ont un jeu soudé qui va droit au but, sans écart. Charles Duytschaever est dynamique et moderne, la contrebasse de Nicolas Mahieux multiforme : chaleureuse sur les ballades, agressive sur les morceaux « à force libératrice ». Enfin, Ternoy est inspiré par Chick Corea et quelques accents légers ont été entendus chez McCoy Tyner. Le principal atout de cette musique réside dans ses compositions : huit pièces dont deux ballades (« Pas très solide », « Tout droit ») ; et des morceaux rapides dont on retiendra surtout « Mets le charbon et »Bloc« . Certains sont structurés comme dans le rock ( »Bloc« , »Hovercraft« ) : entraînants, efficaces et concis, avec un refrain ( »Le fil« , »Tout droit"). Car Ternoy fait partie de cette nouvelle vague de musiciens qui s’inspirent (Bad Plus, Romain Pilon et David Prez en France) de TOUTES les musiques, et participent à un certain décloisonnement des genres. Et ça leur réussit.