Chronique

Jérémy Baysse Quintet

The Thief

Jérémy Baysse (g, comp), Fabrice Barré (cl, bcl), Domitille Sanyas (cello), Tristan Pierron (elb), François Luçon (dms)

Label / Distribution : La mouette à 3 queues

The Thief a été composé par Jérémy Baysse pour un ciné-concert autour du polar sans dialogues du même nom (Russell Rouse, 1952) ; Ray Milland y interprétait un espion en fuite en proie aux angoisses de la solitude et de la paranoïa. Mais la musique, ici, se suffit à elle-même car, à l’origine, la démarche du guitariste n’était pas illustrative.

C’est autour de mélodies simples que s’articule le jeu du quintet ; l’instrumentation favorise le développement de climats hétérogènes puisque s’y mêlent des éléments dont la diversité élargit le champ de possibles. En effet, si la rythmique tenue par Tristan Pierron et François Luçon est mixée en avant, et si Baysse utilise régulièrement des effets de distorsion ou de trémolo, la clarinette et le violoncelle apportent douceur et fragilité. Selon la scène ou l’état d’esprit du personnage principal, la musique se fait tour à tour légère ou tendue, mâtinée de rock ou de musique de chambre.

Comme l’exige la redondance de certaines situations ou de certains lieux dans le film, certaines pièces sont reprises, les différentes interprétations apportant des variations d’ambiance ; la musique évolue donc au fil du disque parallèlement à la dégradation psychologique de l’espion. Cela engendre un léger sentiment de déjà vu, un même thème étant exploité jusqu’à trois fois. Heureusement, ces pièces sont courtes, et l’ensemble sonne plutôt comme une suite ponctuée de mélodies et d’éléments structurels (tel l’ostinato qui, sur « Paranoïa », « Paranoïa à l’hôtel » ou « Cauchemars » est tour à tour interprété par la guitare, le violoncelle et la clarinette basse) qui se parcourt avec plaisir.

Quelques solos mettant en valeur le jeu des musiciens émaillent ces courtes séquences, mais le propos n’est pas là car Jérémy Baysse s’est montré particulièrement attentif à l’équilibre d’ensemble, et utilise le violoncelle de Domitille Sanyas ou les clarinettes de Fabrice Barré comme autant de ressources pour répartir les lignes mélodiques et les parties d’accompagnement. Avec précision et concision, il propose ici un album cohérent et attachant. Le ciné-concert, en tant que spectacle, bénéficie en outre d’un effet de contraste marqué entre le noir et blanc des images et la modernité pleine de couleurs de cette bande-son tout à fait conseillée.