Chronique

Joe Lovano Quartet

Classic ! Live at Newport

Joe Lovano (ts), Hank Jones (p), George Mraz (b), Lewish Nash (dm)

Label / Distribution : Blue Note

Dès le premier morceau, un blues de sa composition intitulé « Big Ben », Joe Lovano, pourtant plus « benwebstérien » que jamais, s’efface pour laisser Hank Jones dérouler un swing impérial sur un solo d’exception ! Le pianiste, qui approche alors les quatre-vingt-dix ans, raconte des histoires de jazz délicieuses, sans prétention. Quant à Lovano, comme le « chef sans pouvoir » des peuples premiers amérindiens, il donne son nom, donne de lui, donne tout… et commande en obéissant.

Il faut dire qu’il est aussi chargé de donner le La pour un George Mraz plus lyrique et fluide que jamais, phrasant de fait comme un saxophoniste sur des improvisations trempées dans les blue notes, accompagnant avec souplesse et discipline. On concédera qu’il s’appuie aussi sur la puissance et la souplesse de la batterie de Lewish Nash qui délivre des pépites, notamment par un jeu de caisse claire absolument redoutable (Lovano l’ayant recruté en lieu et place de Paul Motian, il conservait ces bandes bien à l’abri).

La version latine de « Don’t Ever Leave Me » confère à ce concert des atours hard-bop, tropisme new-yorkais oblige. Mais la pièce d’exception de ce live est bien « I’m All For You », ballade signée par le saxophoniste, basée sur la grille de « Body And Soul » : ce titre sent les improvisations incessantes lors de jam-sessions au bout de la nuit, déroulant cris et chuchotements au ténor, comme un amour doux et furieux. Le groupe venait de sortir un album de ballades sous le même titre et l’on sent une envie irrépressible de swinguer. L’orchestre finit par sonner comme un mini big band, puisant dans des compositions de Thad Jones (l’un des frères de Hank, l’autre étant le batteur Elvin, comme tout le monde le sait…) et de Oliver Nelson, pour un « Six And Four » plein de joie de vivre.