Chronique

John Hadfield

For James

John Hadfield (dm), Ron Blake (sax)

Label / Distribution : Autoproduction

John Hadfield est un batteur américain, actuellement membre du Nguyên Lê « Streams » Quartet. Il a la réputation d’être de ceux qui peuvent collaborer à des formations très diverses. Il sait aussi être compositeur et leader, comme ici, avec le saxophoniste Ron Blake. En fait, sur ce single, ils sont trois, avec la participation virtuelle de James Baldwin, écrivain de Harlem qui avait décidé quitter son pays en raison d’une oppression insupportable.
Il avait alors choisi l’Europe, à 24 ans : d’abord Paris puis Saint-Paul-de-Vence. Un havre de paix ? Pas vraiment. Si l’Europe ne persécutait pas les Noirs, c’était selon lui parce qu’ils y étaient peu nombreux, à l’époque. Dans son esprit, les réprouvés étaient alors les Algériens. Cela ne l’a pas empêché de vivre l’essentiel de sa vie en France et d’accueillir à Saint-Paul-de-Vence des artistes, des jazzmen en tournée estivale sur la Côte d’Azur.

John Hadfield a choisi de lui rendre hommage en mettant en musique un montage sonore de textes déclamés par l’écrivain, juste huit minutes. On sent le leader se régaler du son de sa percussion alors que Ron Blake entame son chant, avant que James Baldwin prenne la parole. Avec Nguyên Lê au mixage du son, les phrases du sax peuvent commencer à droite pour finir à gauche ; la batterie claque. Un clavier, peut-être pré-enregistré, égrène une litanie, une boucle sur laquelle nos deux improvisateurs s’appuient. Ça crépite, John Hadfield déployant une pulsation savante, réjouissante, des sculptures multi-facettes. L’à-propos du montage donne l’impression que l’écrivain est là, de retour parmi nous.
Une rosée de plaisir.
La piste numérique est disponible sur Bandcamp pour 1$, la recette allant à la fondation « La Maison de Baldwin ». L’illustration est un quadrillage de photos de l’écrivain colorisées par la famille du batteur.