Chronique

Joris Roelofs

Aliens Deliberating

Joris Roelofs (bcl), Matt Penman (b), Ted Poor (dms)

Label / Distribution : Pirouet Records

Membre de la dernière formule du Vienna Art Orchestra en même temps que Georgui Kornazov ou Tobias Weidinger, le multianchiste Joris Roelofs s’est lancé il y a quelques années dans une carrière en leader. Délaissant l’alto avec lequel il se fit connaître (on conseillera notamment Third Dream célébrant les 30 ans du VAO), c’est exclusivement à la clarinette basse qu’il officie désormais. Après Introducing Joris Roelofs (2008) en quartet avec Aaron Goldberg et Ari Hoenig, déjà remarqué en son temps, c’est en trio que le Néerlandais propose Aliens Deliberating, où l’on retrouve le contrebassiste néo-zélandais Matt Penman, fidèle compagnon du tromboniste Nils Wogram. Un premier album sur le label américain Pirouet Records qui permet d’explorer en compagnie d’une base rythmique solide toute la dynamique de l’instrument cher à Eric Dolphy.

La clarinette basse fait partie, depuis les années 60, des instruments classiques du jazz. Roelofs aime à placer son trio dans une forme de respect d’une tradition qui ne se confit pas sur elle-même - en témoigne l’approche très contemporaine du batteur Ted Poor, aperçu aux côtés de Ralph Alessi ou Ben Monder. Sur un standard comme « Sophisticated Lady », ce dernier laisser la place à un dialogue pénétrant entre les deux basses unies dans une osmose pleine de rondeur. A l’inverse, sur le plus ferme « Bad Dream », il mène un drumming impétueux qui pousse Roelofs dans le retranchement de ses aigus, et sait colorer les moments plus abstraits de percussions sensibles.

Nul ne sait si Aliens Deliberating renvoie à des conciliabules de petits hommes verts ou à des causeries exotiques. Mais une chose est certaine quant aux locuteurs : leurs intentions sont pacifiques. Bien sûr, le solo de clarinette basse du morceau-titre évoque quelque grammaire inconnue, mais « Ataraxia », qui lui fait suite, est un modèle de sérénité. La contrebasse de Penman s’offre une belle balade boisée, vite rejointe par Roelofs. La discussion entre eux deux illumine l’album. Le jeu de Penman, simple mais profond, permet à Roelofs de s’aventurer en toute liberté dans tous les registres de son instrument, magnifiquement mis en avant. Très beau premier album pour ce trio.