Chronique

Journal Intime + Jérémie Piazza et invités

Playtime

Sylvain Bardiau (tp) Frédéric Gastard (bs) Matthias Mahler (tb) Jérémie Piazza (dms) + Marc Ducret (g) et Sébastien Palis (cla)

Label / Distribution : Neuklang

Lors d’un précédent album de Journal Intime, Lips on Fire, consacré à la musique de Jimi Hendrix, c’est Denis Charolles qui était le batteur invité par le trio de soufflants composé de Frédéric Gastard au saxophone, Matthias Mahler au trombone et Sylvain Bardiau à la trompette. Dans un esprit toujours foutraquement rock, voici un autre batteur : Jérémie Piazza est le batteur de Papanosh entre autres projets. Playtime est donc bien dans cet esprit. Il y a un point commun, d’ailleurs, entre Charolles et Piazza : les deux ont tenus les fûts derrière une légende du rock, le Havrais Roberto Piazza, plus connu sous le nom de Little Bob, le benjamin des batteurs étant même en famille avec lui. Une marque de fabrique et une volonté de dépasser les postures et les étiquettes ; ce n’est sans doute pas un hasard si, dans le morceau intitulé « Playtime », dans les découpes toujours aussi saignantes du baryton et les feulements de la guitare de Marc Ducret, c’est un morceau d’un film de Jacques Tati qui éclot après une intervention d’un troisième invité, Sébastien Palis au Rhodes, autre émissaire de Papanosh. Mais ce n’est pas Playtime qu’on entonne, c’est Mon Oncle. Une danse subtile avec les codes.

Playtime, c’est aussi le terrain de jeu, et ici, ça joue dans tous les sens. Sur l’intense « Azy Brd », Gastard et Piazza construisent une base rythmique comme une cavalerie légère, pendant que trompette et trombone galopent en tout sens, attrapent une tournerie digne d’un dessin animé vitaminé ou changent subitement de direction. On passe en quelques secondes d’une sensation de bal nocturne et clandestin à un jazz plus classique, qui peut vite être chassé par une bulle de free, sans jamais perdre en cohérence. Mais le chaos rock, fût-il sporadique, n’est jamais franchement loin ; un riff de Ducret, et ça repart. Quand ce n’est pas Jérémie Piazza qui fait monter la pression, toujours suivi de près par le baryton.

On est très vite emporté par la joie turbulente de l’équipe de Playtime. La force d’un tel disque, c’est que cette approche permet aussi de chercher une certaine poésie, à l’image du très beau « Blame It on My Mouth » tenu par la trompette de Bardiau. Derrière le tutti, on perçoit un relief incroyable et un travail de l’ombre de Matthias Mahler dont le jeu sobre et efficace est souvent le point d’ancrage d’un orchestre qui se connaît par cœur. Playtime est une vraie histoire d’amitié, fluide et très enthousiasmante. Une vraie bouffée d’air frais et un large sourire.