Scènes

Journal du Péristyle (Episode 2)


Mardi 10 juillet 2012 : Eric Teruel GMT Project

Eric Teruel (piano, Fender Rhodes)
Alaoua Idir (oud, effets)
Patrick Maradan (contrebasse)
Antony Gatta (percussions)

Fin d’après-midi orageuse à Lyon ; l’été peine à s’installer entre Rhône et Saône…

Samedi soir, la place des Terreaux était aussi noire (de monde) que l’intérieur de l’Opéra : on retransmet Carmen sur écran géant… Demain ce sera la dernière ; ensuite le jazz sera seul à investir les lieux.

Signe particulier du trio de ce soir, ces messieurs sont quatre ! L’Eric Teruel GMT Project monte sur scène à l’heure dite - 19h pile, heure d’été - heure GMT comme Gatta Maradan Teruel… auquel il convient de rajouter un I, pour le joueur de oud Alaoua Idir. GMT, « World Time », temps universel… Où l’on retrouve la référence aux musiques du monde qui inspire tant le leader de cette jeune formation. Eric Teruel, déjà complice du contrebassiste Patrick Maradan depuis les années de conservatoire, est parvenu à une alchimie sonore originale en intégrant les sonorités orientales des percussions d’Anthony Gatta et le jeu sensuel du luth.
On dit que Stéphanois et Lyonnais se vouent une haine impitoyable… Cette formation en est le contre-exemple. Originaires de St-Etienne, Alaoua Idir et Antony Gatta collaboraient avec l’accordéoniste Jean-Luc Frappa. Ils ont rejoint les Lyonnais Teruel et Maradan il y a deux ans et travaillent depuis à créer un son très personnel aux influences traditionnelles africaines mais aussi pop et funky.

Tandis que j’en pince pour les cordes du oud, à ma droite, un quinquagénaire distingué déplie L’Equipe, apparemment insensible à la transe d’Antony Gatta, percussionniste impressionnant de délicatesse, tout en nuances. A ma gauche, mes amies chanteuses dégustent des tapas en sirotant une bière. Dommage que sous ces arcades, le bruit ambiant empêche parfois de distinguer le passage entre piano et Rhodes ou les bandes enregistrées. Mais le talent d’Eric Teruel GMT Project s’impose grâce à d’excellents musiciens et improvisateurs, à une homogénéité technique pas toujours présente chez les groupes programmés sous le Péristyle, mais aussi à un son original et des compositions inspirées, agrémentées ce soir de quelques reprises de Herbie Hancock (« Berangere Nightmare », « Maiden Voyage »).

Pendant ces trois sets, devant un public conquis – ce qui n’est pas facile compte tenu du bruit des assiettes et de cette scène ouverte sur la ville, les compositions d’Eric Teruel (dont un splendide « Hearts Dance ») alternent avec celles de Patrick Maradan, dont « The Nine Ladies », création qui conclura le deuxième set. Avec le troisième, direction la plage avec « Afternoon in Ocean Grove » dont la grande douceur mélodique m’endormirait sur le sable… Plus énergisant, ce groovy « West Point » au rythme funky, ou encore « O », dont le tempo ternaire enlevé se teinte d’accents sud-américains - l’occasion de joutes instrumentales bien huilées entre piano et oud. Entre deux pièces, Teruel glisse le Deuxième mouvement du Concerto en Sol de Ravel… comme un pied de nez impressionniste à tous ceux qui lui reprochent de se disperser ! Il était temps d’augmenter un peu le volume : le Kärcher de l’équipe de nettoyage de la ville s’invite bruyamment, se prenant pour une pédale de sol. Je préfère nettement les frémissants trémolos du oud…

J’emporte de cette soirée un coup de cœur pour certains titres, dont « The Sky Reader », empreint d’une atmosphère inquiétante de western nord-africain et de luttes entre le piano et le oud électrifié. De ces duels-là on en redemande, et on souhaite revoir très vite ce trio, avec ses invités, sur les scènes de la région.