Passons outre les rodomontades de ce Canadien d’origine haïtienne : si Jowee Omicil s’est autoproclamé « futur du jazz », on lui pardonnera sa mégalomanie tant son dernier album porte les germes d’un délire musical foisonnant. Ce diablotin a convoqué une foule de musiciens d’excellence pour une session d’enregistrement au studio de La Buissonne, dans le Vaucluse, afin de créer dans une effervescence collective on ne peut plus jouissive (ils sont d’ailleurs sortis des cinq jours d’enregistrement avec assez de matériau pour plusieurs albums !).
Multi-instrumentiste (saxophoniste soprano, clarinettiste, trompettiste, flûtiste…), il ose les doublements de pupitres et/ou de timbres sur un même titre pour créer, dans cet individualisme forcené et assumé, une forme de post-collectivisme du meilleur aloi : ainsi de cette contrebasse et de la basse électrique sur le premier titre « Let’s Just BasH » (une référence aux bash parties Outre-Atlantique, ces fêtes libres sur les toits des buildings). Même chose lorsqu’il s’agit du pianiste et du claviériste sur d’autres thèmes… La tension électrique/acoustique, sempiternellement recherchée et posée en principe, est des plus pertinentes. Evidemment, le tout créolise (au sens d’Edouard Glissant) méchamment, dans la quête d’un futur du jazz solidement enraciné. Osons l’avouer : par son côté canaille et son sens affûté de la mélodie, Jowee Omicil marche sur les épaules de Sidney Bechet, avec un sens de la ritournelle parfaitement antillais qui n’ignore pas le tragique (poignant « Love And Honesty ») … D’aucuns le trouvent presque faux sur la biguine « Pillipita » ? On rétorquera qu’il joue « out » avec délectation, cherchant les limites de notes qu’il ne connaît que trop, biberonné qu’il est au gospel depuis son enfance.
Quant à un autre avenir possible, c’est dans son improbable mix universel qu’il l’esquisse, entre escapade au Cap-Vert et tablas indiennes (un « One Note For Miles » en hommage au trompettiste suprême période « In A Silent Way » avec une petite citation de « Night and Day » au passage !), tentation reggae légère et folklore enfantin (version délicieusement aylérienne de « Sur Le Pont d’Avignon »). Une vision des notes bleues trempée dans le swing et la spiritualité, une invitation à la danse plus qu’efficace prenant en compte les polyrythmies planétaires. Oui, la formule de Jowee Omicil participe bien d’un jazz à vocation populaire ! On se languit de la suite.