Chronique

Jubileum Quartet

A uiš ?

Joëlle Léandre (b), Evan Parker (ts), Agustí Fernández (p), Zlatko Kaučič (dm, objets)

Label / Distribution : Not Two Records

Le Jubileum Quartet rassemble quatre figures majeures de l’improvisation européenne, chacune venant d’un pays différent : Joëlle Léandre, Evan Parker le Britannique, le pianiste catalan Agustí Fernández et le percussionniste slovène Zlatko Kaučič dont on fêtait ce soir-là les quarante ans de carrière. Un concert enregistré lors du festival de Cerkno de 2018. « A uiš » signifierait « Tu pars » … en slovaque, pas en slovène, selon Google.

C’est une musique qui ne s’impose pas d’emblée. Il faut que ça mijote un peu, en particulier lorsque Joëlle Léandre place quelques tisons avec son archet. Des bribes de phrase comme des flammèches qui s’échappent, comme des coups de pinceau qui vont baliser la toile. La basse se fait plus insistante, entame une forme de duo avec un sax qui commence quelques virevoltes, les baguettes craquellent, le clavier ruisselle, pose des accords incertains, mitraille quelques notes aiguës. Il est accompagné de cordes pincées, d’un archet qui glisse ou qui gazouille, qui fait trembler le bois, les graves. En peu de temps, le moteur de cette centrale est chaud, le discours de ce quartette se déploie, notre écoute est captivée.

De grandes exclamations du clavier, des notes en torrents, des éboulements complexes de la batterie, et un chant entêtant au ténor qui pourrait ne jamais s’arrêter. Puis des glissements de la seule basse. C’est l’une des respirations que sait se donner ce groupe qui permet à un instrument de tracer ses courbes, de poser ses couleurs, de faire amorcer un nouveau cheminement à l’ensemble. Ici les cordes pincées trouvent un écho dans les éclats du sax, dans les brindilles qui grattent les peaux, dans les accords plaqués sur le clavier.
À d’autres moments, s’instaurent des duos mimétiques, comme celui entre clavier et l’archet, passionnant, qui ouvre un espace pour le seul piano, puis à des cliquètements multi-tentaculaires des percussions…
Les initiatives fusent, les entrelacements se nouent sur des tourbillons hypnotiques de souffle continu.
À noter vers la fin de la pièce, une large plage quasi réservée a la basse, qui accueille des vrilles du piano, les tournoiements continus du sax, les ponctuations légères sur les cymbales.
Ce concert s’achève ainsi sur un épanouissement symbiotique du quartette. Une belle manière de fêter les quarante ans du percussionniste. Chacun des musiciens accroche notre attention dans ce final orgiaque. Visiblement, ils y ont pris un grand plaisir, tout comme nous.

Vous pourrez vous procurer ce CD chez votre disquaire ; il a hâte de vous voir. Il est aussi disponible en version numérique, en particulier sur le site du label, NotTwo, pour 6€.