Chronique

Julie Mossay - Gregory Houben

Après un rêve

Julie Mossay (voc, fl), Greg Houben (tp, buglr, voc), Pascal Mohy (p), Quentin Liégeois (g), Matthieu Vandenabeele (Rhodes, elp), Sal La Rocca (b), Stephan Pougin (perc, dm), Lionel Beuvens (dm)

Label / Distribution : Igloo

Comment concilier jazz et art lyrique ?
La question n’est pas neuve et chacun tente d’y répondre à sa façon. La proposition de Greg Houben et Julie Mossay n’est pas des moins originales ni des moins réussies. S’engouffrant dans la brèche ouverte par les frères Belmondo et leur Hymne au Soleil, le trompettiste et la chanteuse ont poussé plus loin l’exercice. Avec beaucoup de sensibilité, ils n’ont pas hésité à ajouter au jazz et au chant lyrique un peu de musique brésilienne. Et la magie opère.

On glisse avec bonheur entre les genres, on s’étonne même de la réussite de cette fusion improbable. L’alchimie entre ces trois univers fonctionne sans heurt. Le dosage est subtil et c’est sans doute cela qui fait l’intérêt de l’album. On voyage ainsi allègrement de Fauré à Chico Buarque en passant par Debussy grâce à des arrangements d’une extrême justesse et d’une belle clairvoyance. Il faut dire que le projet est servi par des musiciens qui font preuve d’une vigilance de tous les instants et d’une qualité de jeu remarquable. Pascal Mohy (piano), délicat, volatil et aérien, est secondé par Matthieu Vandenabeele, incisif au Rhodes et aux différents claviers. La résonance qu’ils créent entre eux apporte profondeur et relief à la musique. De même, Stephan Pougin et Lionel Beuvens (percussions) offrent une double rythmique toute en perspectives et balancements sensuels. Pour compléter le tableau, la contrebasse de Sal La Rocca est comme la grosse horloge sur laquelle on peut s’appuyer en toute confiance et les interventions de Quentin Liégeois à la guitare sont étincelantes, à la fois alertes et d’une grande souplesse.

Julie Mossay peut alors déposer les mots de Sully Prudhomme, Romain Bussine ou Paul Bouget sur des mélodies redécouvertes. Tout coule de source, et quand la voix de la soprano se mêle à celle, un peu voilée, de Greg Houben, c’est comme si le soleil jouait à cache-cache avec les nuages. Et une sensualité chaude s’échappe du bugle de Houben, dont le phrasé est soyeux, les harmonies et mélodies imprégnées de tendresse ; ici, tout est poésie et élégance. Une foule de sentiments parcourent cette musique à la fois actuelle et légèrement surannée. Jamais le groupe ne se laisse enfermer dans une formule facile. Il aime prendre des virages serrés (« Samba e Amor », où la rupture intervient de façon abrupte) ou bien s’ouvrir à d’autres évolutions (« Nord de Lille ») qui augurent d’excitantes musiques à venir.

Comme dans un rêve, ici tout est possible ; mais le plus beau est qu’en ouvrant les yeux, on s’aperçoit que tout est bien réel...