
Jultrane
Jultrane Plays John
Julien Ndiaye (ts), Frédéric d’Oelsnitz (p), Gabriel Pierre (b), Laurent Sarrien (d) + Nicolas Folmer (tp)
Label / Distribution : Jazz Family
On avait bien compris que Julien Ndiaye, alias Jultrane, vouait un véritable culte à John Coltrane, ce dont nul ne saurait le blâmer, loin de là. Son album Creation (Jazz Family - 2023) le laissait bien comprendre, et pas seulement en raison du « nom de scène » et de l’appellation choisis pour son quartet par ce saxophoniste sportif d’origine sénégalaise, passionné de montagne comme de mer. On y trouvait déjà en effet deux reprises assez saisissantes de son « idole », « Moment’s Notice » et « Mr. Day ». Avec Jultrane Plays John, la déclaration d’amour est encore plus flagrante.
L’histoire de ce nouveau disque mérite d’être contée en quelques lignes : alors qu’ils se trouvaient en studio pour l’enregistrement d’un titre écrit pour la sœur du saxophoniste, les musiciens du quartet ont fait remarquer qu’il serait dommage de ne pas en profiter pour enregistrer une composition de Coltrane. Une seule, vraiment ? Et pourquoi pas un peu plus ? Très vite, Julien Ndiaye a consulté les agendas pourtant chargés de tout ce petit monde et décidé de « bloquer » deux jours la semaine suivante, au mois d’août 2024. Avec pour programme l’enregistrement de neuf thèmes de John Coltrane, et pas forcément les plus connus (tels « Mr. Knight », « Wise One », « Welcome », « Song of Praise » ou « After the Rain »). Auxquels est venue s’ajouter une composition originale, « Tristesse », qui semble avoir plongé ses racines dans le terreau de « My Favorite Things ». Le résultat est parfait, une manière de sans-faute : Julien Ndiaye respecte la musique de John Coltrane tout en lui insufflant les forces d’une admiration qu’on ne confondra pas avec de la béatitude.
Le disque – « plein comme un œuf » avec 80 minutes de musique – est habité de bout en bout, d’une absolue sincérité, servi par des musiciens qui ont évidemment en commun l’amour d’un saxophoniste aujourd’hui entré dans l’histoire de la musique du XXe siècle : Frédéric D’Oelsnitz (piano), Gabriel Pierre (contrebasse) et Laurent Sarrien (batterie) parlent le même langage que leur leader et, s’ils ne révolutionnent en rien la grammaire coltranienne – pourquoi le feraient-ils après tout ? – ils l’expriment avec une foi qui emporte l’adhésion. L’invitation faite à Nicolas Folmer de se joindre à eux sur trois titres ne fait qu’aviver et rendre plus belles les couleurs de ce moment très séduisant. Au point qu’on se dit que Jultrane peut enfin être Julien Ndiaye.