Chronique

Kami Quintet Extension

Colors

Pascal Charrier (g, comp), Julien Soro (as), Bastien Ballaz (tb), Jozef Dumoulin (rhodes, fx), Guillaume Ruelland (b), Rafaël Koerner (dms)

Label / Distribution : Autoproduction

Après un premier album qui nous avait permis d’apprécier son goût certain pour la dynamique entre musiciens, le guitariste Pascal Charrier signe à nouveau toutes les compositions de Colors, le nouveau disque du Kami Quintet. Tout a changé autour de lui, excepté une racine de soufflants : l’alto chaleureux de Julien Soro et le trombone anguleux de Bastien Ballaz, par ailleurs comparses de Ping Machine, tout comme le batteur Rafaël Koerner qui vient apporter ici un sens aigu de la polyrythmie. Le changement est de taille, d’autant que le bassiste électrique Guillaume Ruelland est lui aussi un nouveau venu. Avec cette rythmique toute neuve, Kami franchit le cap qu’on espérait ; Charrier peut pousser plus loin la réflexion sur la musique en mouvement amorcée avec Human Spirals. Cela ne s’arrête pas là, puisque le quintet invite Jozef Dumoulin, claviériste très demandé. Son Fender perclus d’effets apporte des couleurs inédites et une dose d’électricité supplémentaire à l’écriture de Charrier, qui joue à merveille des masses et de leurs oppositions pour créer un frottement tellurique entre sa guitare et le Fender.

Le rapport à la Terre qu’entretient le guitariste dans la plupart des morceaux n’est pas seulement métaphorique ; sa musique est à la fois solide et fragmentaire. Sur « Terre Grise », une des pièces les plus longues, le quintet étendu se donne le temps d’aller le plus loin possible dans la sédimentation d’un propos extrêmement dense. La basse et le trombone semblent creuser le même sillon sous la férule d’une batterie versatile, pendant que la guitare de Charrier et l’alto de Soro s’épanchent en circonvolutions édificatrices. Quant à Dumoulin il colorise, agrémente et souffle des riffs électriques. Ses bourrasques modifient les orientations, créent des interactions nouvelles. Parfois, ses généreux orages laissent place à des moments de quiétude en compagnie de Bastien Ballaz, pendant que les quatre autres défrichent (« Nuage Vert »).

Fidèle à ses influences rock, qu’on retrouve dans les fragments de métal d’une guitare impétueuse à la Marc Ducret (« Terre Noire »), Kami Quintet développe un propos qui doit aussi beaucoup aux expérimentations de Steve Coleman. Le parcours de Charrier a été marqué par des rencontres avec Magic Malik ou Stéphane Payen, et cela se perçoit dans la direction prise par le Kami, qui revendique une approche libre et parfois mordante du M-Base. « Sombre », par exemple, sait se mâtiner de free-rock sous l’impact d’un Julien Soro tout en rupture. La présence de Dumoulin fait parfois penser à une formation comme Octurn, notamment dans cette faculté de creuser les atmosphères en ouvrant la palette de timbres. La plupart des musiciens du quintet sont habitués aux grandes formations, et l’on pressent dans Colors un désir d’étendre son propos aux grands formats. Sans doute est-ce vers cela que le mènera cette extension.