Chronique

Kami Quintet

Human Spirals

Pascal Charrier (g), Jérôme Mourriez (dms), Denis Frangulian (b), Julien Soro (as), Bastien Ballaz (tb)

Label / Distribution : Ajmi Series

Dirigé par le guitariste Pascal Charrier, qui signe aussi l’ensemble des compositions, la musique des Avignonnais du Kami Quintet est tout aussi marquée par les expériences polyrythmiques de Steve Coleman et du M-base que par les basses grasseyantes et les à-coups électriques de groupes de rock comme Fishbone ou Primus. S’insinuant entre jazz et rock sans jamais délaisser l’un pour l’autre, le quintet insuffle une esthétique « Métal » à un jazz en perpétuel mouvement. On songera bien entendu aux productions du label Rude Awakening, même si Human Spirals propose une vision bien moins radicale, plus attachée à la dynamique entre musiciens qu’aux dispositifs de tension. C’est ce qu’on retrouve dans la lente mise en place des deux parties inaugurales de « Spirale 1 » : au fur et à mesure, le désordre s’amalgame et fusionne jusqu’à épouser à un discours commun très efficace où chacun choisit l’exacerbation du bouillonnement rythmique.

Car si l’influence de Marc Ducret est patente chez Charrier (« Spirale 3 » où la nervosité palpable s’extériorise dans un solo de guitare virulent), c’est la base rythmique qui forge le son âpre du quintet. Le batteur Jérôme Mouriez ajuste une frappe sèche qui sinue au fil des influences entre binaire agressif et trouvailles pleines de groove. Les rhizomes du batteur vont d’un rock-fusion digne des Lonely Bears à des incursions furibondes dans le dub (« Lentement »).

A ses côtés, la basse électrique de Denis Frangulian est un pilier sec et nerveux. Son style à la fois percussif et incisif fait en un instant basculer le quintet dans un funk rageur et diablement urbain. Dans « La marche », c’est son son tonitruant qui met fin à la spirale orageuse que le groupe laisse monter progressivement, notamment grâce au trombone bâtisseur de Bastien Ballaz.

Sur la plupart des morceaux, c’est le tromboniste qui élabore la trame de l’orchestre. Il lui apporte une tonicité supplémentaire, mais surtout une remarquable complémentarité de timbres avec la guitare et l’alto de Julien Soro (qu’il côtoie par ailleurs au sein de Ping Machine). Avec le sax et cette base au groove roboratif, le spectre d’Aka Moon n’est jamais loin. Le trombone parvient pourtant à apporter une distanciation, un décalage très créatif qui évite bien des poncifs. Dans un morceau essentiel comme « Spirale 5 », l’énergie qui se dégage est une braise que les deux… soufflants ne demandent qu’à aviver. C’est finalement la guitare de Charrier qui lancera l’offensive sur la crête des cymbales de Mouriez. Le très subtil jeu de timbres, ainsi que la fluidité de la rythmique fonde la couleur d’un jeune quintet qui ne demande qu’à mûrir.