
Kamilya Jubran, Sarah Murcia
Yoqal
Kamilya Jubran (voc, oud), Sarah Murcia (b)
Label / Distribution : Jazzdor Series
Ce duo qui réunit la chanteuse et oudiste Kamilya Jubran et la contrebassiste Sarah Murcia est la résultante de leurs collaborations partagées au sein de projets divers (on songe notamment au trio augmenté de Sylvain Cathala) tout autant que d’une amitié qui s’épanouit depuis vingt ans. Ici, la réunion en face à face, ou en côte à côte, permet de rendre pleinement compte de la dimension gémellaire de ces personnalités qui usent de leur art comme moyen d’affirmer au monde que les croisements d’esthétiques venues d’Orient comme d’Occident peuvent se résoudre dans un creuset unique qui transcende les genres en respectant les identités premières.
Avec un coloration majeure que confèrent le timbre du oud et la langue arabe, le duo nous projette immédiatement dans un ailleurs à compléter, pour les non arabophones, par la lecture sur le livret du disque des textes traduits : celui d’une poésie âpre, doloriste, d’une beauté frontale ne s’encombrant pas de raffinement superfétatoire.
Le chant de Jubran est de fait tendu et claque comme un fouet qui vient réveiller la conscience de celui qui ne voit dans l’art qu’un divertissement sans conséquence. Au contraire, par sa manière directe, il sait nous saisir et poser dans nos oreilles, une vérité dont nous ferons bien ce que nous voulons mais dont nous ne pourrons, en tout cas, plus nier l’existence.
Tout en redoublant l’intensité du jeu, Sarah Murcia donne un corps à cette voix qui entête et apporte ce qu’il faut de chair et de force pulsatile à l’ échange. Par l’ampleur de son jeu et la puissance qu’elle sait tirer de son instrument, elle apporte une assise imposant au duo et les échappés improvisées, rares mais toujours justes, s’entremêlant avec les cordes du oud dans une proximité complémentaire, ouvrent des horizons sensibles quoique toujours crépusculaires.
A la sécheresse des terres brûlantes investies par la chanteuse, la basse répond, en effet, dans un dialogue noir qui fait de ce répertoire une prière sans dieu qui s’élève droite et sans fard pour frapper au cœur de celui qui la reçoit ; le bousculant avec raison et le touchant avec une sensibilité directe et authentique.