Chronique

Kimura / Guy / Hemingway

Illuminated Science

Izumi Kimura (p), Barry Guy (b), Gerry Hemingway (dms)

Label / Distribution : Fundacja Słuchaj

Davantage qu’un bien ordinaire trio piano/basse/batterie, Illuminated Silence donne le sentiment de voir évoluer la main du peintre. Entre la pianiste Izumi Kimura, encore trop peu connue dans l’Hexagone, et les briscards Barry Guy à la contrebasse et Gerry Hemingway à la batterie, il y a comme la sainte alliance des coloristes. « Blue Horizon » en est un exemple fort, qui offre du détail dans le plus calme des camaïeux ; à mesure que le piano dessine des motifs aux reflets orientalistes, la science des peaux de Hemingway vient verser quelques nuances de blanc ou de gris, de lumière ou de ténèbres. La basse caresse, malaxe, met du lien pour le plus beau des matins calmes. Ne pas croire cependant que tout n’est que concorde. « How to Go Into a Room You Are Already In », morceau d’Agustí Fernández, est l’occasion pour Guy de tester les limites du silence dans une intro lente et brûlante. Morceau empli de courants contraires, il vise les profondeurs et mélange parfois les psalmodies de la pianiste et ceux de l’archet.

Izumi Kimura a l’habitude des contrastes. Née à Yokohama, elle vit en Irlande et a toujours aimé mélanger les deux cultures, ou plutôt les confronter sans rupture, comme en témoigne son premier disque Asymetry, aux franges de la musique classique et contemporaine. C’est exactement d’ailleurs l’environnement dans lequel Hemingway se plaît à évoluer depuis quelque temps. Et même si des morceaux comme « Finding It » explorent les esthétiques du jazz, avec sa walking bass venue des limbes, il ne tardent pas à repiquer vers les itinéraires bis, vers des instants plus concertants, conduits par une batterie qui attentive à chaque mouvement.

Porté par le label polonais Słuchaj Fundacja, qui propose en ce moment des rencontres riches et impromptues, Illuminated Silence est une belle illustration du dialogue de cultures différentes dans le creuset riche et ouvert de l’improvisation européenne. Enregistré live à Dublin, dans l’église St-Ann en février 2018, on perçoit dans ce disque comme une recherche fructueuse de transcendance, un sentiment spirituel dépourvu d’incarnation qui volette dans le lieu consacré comme les fantômes d’un culte ancien et foncièrement magique.