Tribune

Konitz & Solal : Les centenaires du jazz

Martial Solal évoque son compagnon de jeu et de tournées.


Plusieurs décennies à jouer ensemble, à enregistrer - souvent en duo, ça crée des liens forts et personnels. Le pianiste Martial Solal réagit à la disparition du saxophoniste Lee Konitz avec ces quelques mots.

Martial Solal et Lee Konitz, début des années 70. (Collection particulière M. Solal).

Je pense que peu de musiciens connaissent Lee aussi bien que moi.

Des centaines de concerts en duo, en Europe et aux USA, au Canada etc., dans les lieux les plus divers, de la simple crêperie à la Philharmonie de Berlin…
Pendant une trentaine d’années presque sans interruption, une douzaine de disques. Autant de rencontres qui n’auraient pu exister sans réelle estime et amitié.

Nous n’avions pas besoin de répertoire pour jouer. Il suffisait d’improviser

Autant dire que ma peine est aujourd’hui immense.
Depuis quelque temps, nous ne voyions plus beaucoup, mais il continuait de m’appeler souvent.

Sa musique m’avait touché dès notre première rencontre : un bœuf sur l’estrade du Club St-Germain ; il était de passage à Paris, en tournée avec l’orchestre de Stan Kenton. [1]
Puis notre première vraie rencontre a eu lieu à Ljubljana où se tenait un festival (1968) et nous avons passé notre vie avec une petite liste de standards griffonnée à la main qu’il ressortait avant chaque concert. Nous n’avions pas besoin de répertoire pour jouer. Il suffisait d’improviser, avec l’originalité, la sonorité et son sens de la mélodie qui le rendait si reconnaissable.

Du même âge, nous avions fêté nos 50 ans un soir de concert, où il avait annoncé : « Aujourd’hui, à nous deux, nous avons cent ans… »

C’est loin et c’est tout près.

Martial Solal,
Paris 17 avril 2020

par // Publié le 19 avril 2020

[1En 1953. NDLR