Chronique

Kuhl / Ballou / Dierker / Stewart

Kraft

Dave Ballou (tp), John Dierker (as, ts, cl), Luke Stewart (b), Mike Kuhl (dms)

Label / Distribution : Out of Your Head Records

Emmené par le batteur Mike Kuhl, membre avec le trompettiste de Baltimore Dave Ballou des Four Cool Blue Maniacs que Michael Formanek anime avec son fils, Kraft est le fruit d’un quartet qui, bien qu’existant depuis quelques années, propose son premier enregistrement dans la collection Untamed du label Out of Your Head. Les concerts à emporter du label new-yorkais permettent de profiter d’une scène vivace, pas nécessairement très connue de ce côté-ci de l’Atlantique. C’est ainsi qu’on découvre, outre la trompette très incisive de Ballou sur le long « Ageless One » inaugural, la clarinette puissante de John Dierker. L’alliance des soufflants est pour beaucoup dans la trame très serrée de Kraft. C’est bien le jeu du multianchiste, très structurant, qui offre l’incandescence à la trompette. Une configuration qu’on retrouvera plus loin dans le très free « Stick and Move », véritable carambolage organisé par un batteur insatiable, clairement influencé par des esprits frappeurs comme Joe McPhee ou Peter Brötzmann.

Car il faut bien reconnaître que, si les soufflants jouent très en avant dans ce concert capté à l’hiver 2021 à Baltimore, c’est avant tout la base rythmique du quartet qui impressionne et décide des climats. Surtout, de leur permanente mutation. Le jeu nerveux de Kuhl est à son avantage sur « A Real Mensch », d’abord sur ses tambours, tout en finesse, avant de frapper dru comme on se jette dans le précipice à grand renfort de cymbales, porté par la mécanique subtile de la trompette. Quant à la relation du batteur avec le contrebassiste de Washington Luke Stewart, elle permet de cadrer tous les débordements possibles et de leur donner plus de puissance. On avait entendu Stewart avec Avreeayl Ra dans son Exposure Quintet (chez Astral Spirit en 2020) ; sur ce disque, on le découvre plus pugnace peut-être, à l’image de ses compagnons

Au cœur de « Ageless One », le dialogue de Kuhl et Stewart, pourtant vif entre percussions et pizzicati autoritaires, renforce la tension environnante tout en calmant paradoxalement l’incartade, ou plutôt lui redonnant du souffle. L’improvisation est directe, mais ne délaisse pas pourtant une poésie plus subtile dont Dave Ballou, habitué des grands ensembles (le Kolossus de Formanek ou le Large Ensemble d’Hollenbeck), est le principal garant. Kraft est une belle découverte

par Franpi Barriaux // Publié le 4 septembre 2022
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