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Edition du 15 avril 2024 // Citizenjazz.com / ISSN 2102-5487

Les dépêches

Kurt Rosenwinkel à Troyes

Communiqué de la Direction provisoire d’A.M.A. « Canal Historique » :

THESES DE FEVRIER :
Résolution résolument résolutoire ?

« …Le bonheur est dans le pré(ambule). Cours-y vite. Il va filer » (Paul Fort remix)

Les questions évoquées lors de l’Assemblée Générale d’Aube Musiques Actuelles qui s’est déroulée le 28 février 2008, posent le problème de la pérennisation de ses activités au-delà de 2008.

Depuis 13 ans, A.M.A. mène des actions dans le paysage culturel local, promouvant, par la diffusion, des expressions musicales créatives, se situant, globalement, hors de la sphère de l’industrie du divertissement. Inscrivant cette démarche dans le temps, nous tendons à ancrer une approche culturelle de qualité dans la « cité », démarche préalable à toutes velléités de démocratisation culturelle.

Que les formes d’expressions artistiques un tant soit peu exigeantes, quelque soit la discipline considérée, et en dehors des phénomènes de mode passagers, n’entraînent que modérément l’adhésion immédiate du grand public, est une évidence justifiant l’existence de structures comme les nôtres. Par la pertinence de leurs actions, elles assurent une véritable « mission de service public ».

Le cœur de notre action vise à créer les conditions favorisant la découverte, la rencontre avec des esthétiques musicales à fortes potentialités créatives et avec les artistes qui en sont les producteurs. Aube Musiques Actuelles assure depuis 1995 cette « mission », avec régularité et des résultats non négligeables. Et avec des moyens trop limités.

Où il est question de tordre le coût de la culture…

On peut s’en douter, la réalisation des actions correspondant à cette démarche a un coût : dépenses directement liées à la réalisation des manifestations, auxquels s’ajoutent des frais dits de fonctionnement (eux-mêmes directement liés aux activités de l’association).
Partant du présupposé que nous assurons salutairement cette « mission de service public » dans le champ culturel local, et que l’expression de formes culturelles exigeantes ne sauraient être « évaluées » à l’aune d’une simple logique comptable, il en résulte la nécessité d’un financement public complémentaire. Condition sine qua non à la réalisation de ces actions, ces financements sont assurés principalement par des subventions émanant des Collectivités territoriales (Ville, Département, Région) et du Ministère de la culture (DRAC), on peut-y ajouter des aides en nature (notamment par la Ville de Troyes, mettant à disposition des locaux).

La « puissance publique » s’honore en permettant, par ces aides, à ce que puissent émerger et exister, des expressions culturelles de qualité. Et si nous n’hésitons pas à manifester notre reconnaissance pour ces aides qui nous ont permis de réaliser plus de 115 manifestations depuis 1995, nous n’en exerçons pas moins un droit de regard critique.

Les moyens accordés ne sont pas à la hauteur de nos, modestes, ambitions. Nous nous sommes efforcés, durant ces années, d’adapter nos activités proportionnellement aux montants des aides accordées qui, si elles ne peuvent être tenues pour valeurs négligeables, n’en sont pas moins toujours restées à un niveau insuffisant. D’une part parce qu’elles ne correspondent jamais aux montants sollicités, alors que nos, modestes, budgets prévisionnels sont calculés au plus juste. Insuffisantes, d’autre part, car elles ne nous permettent pas d’assumer l’ensemble des projets dont nous voulons être porteurs : programmation plus ambitieuse tant en qualité (si possible ?) qu’en quantité, interventions en direction de publics spécifiques tels les scolaires, organisations régulières de master class, résidences d’artistes, élaborations de moyens de communications, d’informations et de formations, etc.

2008, annus miserabilis ?

Partant de l’implacable logique libérale appliquée à la « réduction de la dette publique », on voit s’affirmer à tous niveaux une forte tendance à l’austérité budgétaire. Dans le domaine nous concernant, il est donc question de stagnation ou régression des subventions attribuées, l’effet corollaire de cette tendance étant l’application des mêmes orientations aux niveaux partant de l’exemple donné au plus haut niveau.

A ce titre Aube Musiques Actuelles estime judicieux de s’associer aux initiatives prises à tous niveaux visant à contester ces orientations conduisant au désengagement progressif de la puissance publique dans le financement de la Culture.

Nous avons fait le choix en 2008 d’une programmation plus « ouverte », certains des spectacles proposés (Elisabeth Kontomanou, David Krakauer, par exemple) étant destinés à assurer une audience publique plus large. Ce choix implique une augmentation raisonnable du budget nécessaire. Partant des premiers éléments de réponses qui nous sont accordés en matière de subvention à ce jour (maintien de la dotation antérieure dans le meilleurs des cas pour certains, réductions pour d’autres), nous nous interrogeons sur nos capacités à pouvoir assurer la réalisation de l’ensemble de nos projets en 2008. Il serait éminemment dommageable qu’ils ne puissent aboutir faute d’un financement à hauteur requise, alors que le différentiel avec les financements accordés en 2007 est en définitive d’un montant bien modeste. Ne voulant pas céder à un fatalisme hors de propos, nous nous permettons d’insister auprès des Collectivités locales et de la DRAC afin que les subventions sollicitées à ce titre soient à la hauteur requise.

A.M.A. cherche partenaires particuliers !…

Parallèlement à cet état de stagnation ou retrait de la part du « public », nous sommes donc incités à la recherche d’éventuels financements « privés ». Mécénats, sponsorings et autres partenariats tendraient à devenir la règle. On admettra que cette tendance pose problème : parce qu’elle permet d’éluder la responsabilité de la puissance publique, et parce qu’elle n’est pas forcément en adéquation avec les motivations de la sphère privée, plutôt globalement encline à voler au secours du succès qu’a soutenir des formes et actions novatrices.

Si nous avons le privilège depuis plusieurs années de compter parmi nos soutiens quelques entreprises privées, il nous faut souligner le caractère déstabilisant d’engagements susceptibles d’être remis en cause sans autre forme de procès. Ainsi, le désengagement total ou partiel de 2 partenaires privés en 2008, entraîne pour nous une perte sèche que ne viendrons pas combler dans l’immédiat les subsides publics, plombant notre budget dès le démarrage de saison.

Il faut souligner également l’énorme difficulté à générer l’intérêt de nouveaux partenaires privés, la « chasse » aux partenariats devenant une activité en soi, aux caractéristiques quelque peu frustrantes voire démoralisantes.
Parce que nous n’avons pas le choix, nous sommes demandeurs, et restons ouverts à toutes formes de partenariat avec le secteur privé, pour autant que les entreprises intéressées comprennent le « profit » susceptible d’être dégagé en terme d’image de marque, à partir d’un soutien explicite apporté à des expressions culturelles valorisantes. A ce titre nous entendons intervenir dans les prochaines semaines auprès des organismes consulaires représentatifs (Chambre de commerce, etc.) pour étudier avec eux toutes possibilités de développement de partenariats avec les entreprises du secteur privé.

Contre tout « plan social » à A.M.A. : occupation del loco !

Aube Musiques Actuelles occupe un salarié depuis octobre 2003. Ce poste, créé pour répondre au développement des activités et assurer un fonctionnement optimum de l’association, a pu être financé en usant de diverses formes de contrats aidés. Ces aides cessent fin juillet 2008. L’association Aube Musiques Actuelles peut-elle continuer à fonctionner sans salarié ? Tenant compte des résultats probants de l’expérience, de l’état actuel de sa structure ainsi que du mode de fonctionnement induit par sa professionnalisation partielle, nous sommes tentés de répondre par la négative.

A une époque, pas si lointaine, où le discours officiel ( Ministère de la Culture) s’évertuait à laisser accroire qu’il était nécessaire et possible de pérenniser l’emploi culturel, nous avons alerté les Collectivités et la DRAC sur cette situation. Sans déclencher plus de réaction qu’un intérêt poli.

Nous avons intégré dans notre budget prévisionnel 2008 le coût d’un salaire pour le second semestre, répartissant la charge entre Ville, Département, Région et DRAC. A ce jour, cette sollicitation est totalement ignorée.
En vertu de calculs timorés, il serait donc préférable de remettre en cause le patient travail de fond effectué par une équipe sur un territoire (ville, agglomération et au-delà), basculant la charge sociale représentée par ce poste sur les caisses de chômage, plutôt que d’assurer les (modestes) moyens
financier permettant de pérenniser l’emploi en question et l’activité qu’il favorise…Nous préférons croire que, finalement, la raison prévaudra et que les décideurs politiques au niveau local agiront en vue de la résolution d’un problème qui ne devrait pas, raison aidant, en être un.

A.M.A. agit dans la cité, A.M.A. agira à La Cité : retour au bercail incessamment sous peu !

Lueur d’espoir dans un océan de contrariétés, la perspective de la réouverture de l’Espace Cité à l’horizon 2010 est plutôt de nature à accentuer notre motivation quand à la poursuite de nos actions. Sans tomber dans cette sorte de fétichisme laissant à penser que LE lieu est préalable à toutes actions, expérience aidant, nous sommes fortement favorables à l’idée que CE lieu est en adéquation avec nos activités, de par son implantation, ses dimensions, ses capacités d’accueil, ses potentialités.

Parce que nous pensons que cette salle rénovée, mise aux normes et équipée ne peut que favoriser des possibilités de développement, nous sommes donc particulièrement intéressés à y occuper la place revenant à une structure à l’expérience indéniable.

Et parce que nous entendons être associé au premier chef à la vie de ce futur équipement, nous soumettrons, à la Municipalité issue des prochaines élections, avant la fin du 1er semestre 2008, un projet argumenté concernant l’utilisation et l’aménagement technique de l’Espace Cité.

« Ce n’est qu’un combat, continuons le début ! » (B. Lubat).

L’association Aube Musiques Actuelles ne prétendant aucunement à être considérée comme interlocuteur privilégié, voire exclusif, dans le champ culturel local (la Ville, l’agglomération, le département), d’autres structures, quelque soit la discipline artistique, menant par ailleurs des actions tout aussi respectables. Il est judicieux qu’elles bénéficient d’une écoute aussi attentive que celle que l’on voudra bien nous accorder, nous entendons, néanmoins, que soit considérée à sa juste mesure notre action, passée, présente et future.

Sachant que cette action vise à valoriser le paysage culturel local, et donc le territoire dans lequel elle s’inscrit, tendant par ce faire à donner une image plus dynamique de ce territoire, nous posons les questions essentielles liées à l’existence de notre structure : l’action de l’association A.M.A. est-elle utile ? nécessaire ? A.M.A. doit elle continuer ? Peut-elle continuer ? Comment ? Avec quels moyens matériels (financiers) et humains ?

Interpellant par ce moyen toutes personnes, que ce soit à un niveau institutionnel, ou individuel, susceptibles d’être concernées, voire intéressées, par le maintien de A.M.A et de son activité, nous sommes déterminés à débattre de ces problématiques, et de celles plus larges concernant la vie culturelle locale, avec qui estimera judicieux de le faire.

Nul n’étant indispensable, il n’en reste pas moins que l’évolution négative de cette situation est susceptible d’entraîner un pesant silence radio pour une période à durée indéterminée, toujours trop longue, durant laquelle nous n’aurons que la musique de nos regrets pour bercer notre délicate sensibilité.

Conclusion provisoire : considérant la culture non pas tant comme un objet de consommation de masse que comme facteur d’élévation intellectuelle et morale, nous en appelons à la prise de conscience de quiconque adhère à ce postulat, nous en appelons à la prise de conscience des acteurs politiques, économiques, culturels, et,last but not least, de toutes celles et tous ceux qui nous soutiennent et nous encouragent de par leurs présences et leurs participations depuis le début de cette aventure.

Troyes, le 6 mars 08