Chronique

Lâchez-moi !

Hampton Hawes, avec Don Asher

Label / Distribution : 13e Note Editions

Ecrite en mai 1979, l’introduction de Gary Giddins indique dans quelles conditions cette « autobiographie » a été écrite/rédigée. Comme souvent, le musicien se raconte, et l’écrivain transforme le discours en texte publiable, avec l’assentiment du premier. Publiée en 1972 aux USA, l’autobiographie d’Hampton Hawes, rédigée avec le concours de Don Asher, lui-même pianiste, est enfin disponible en traduction française (Bernard Cohen). C’est une bonne nouvelle, c’est un bon livre, qui fait suite à ceux qui n’étaient pas encore disponibles à l’époque, celui d’Art et Laurie Pepper par exemple.

Hampton Hawes est étrangement méconnu chez nous, en dehors du cercle fermé des amateurs pointus, ou acérés. Il a pourtant accompagné Charlie Parker dès les premières années, quand le « Bird » venait sur la côte ouest, il s’est fait remarquer très jeune pour sa virtuosité, son jeu brillant (entre autres par Art Tatum), il a été l’un des poulains préférés de Lester Koenig (patron de Contemporary Records), il a publié des disques qui ont fait de lui l’une des grandes vedettes du piano bop (en dehors de Bud Powell), par exemple les trois volumes réunis sous le titre All Night Session, ou encore le superbe For Real enregistré avec Scott LaFaro. Un grand, un très grand. Un noir, faut-il le préciser. Qui a, comme un certain nombre d’autres, touché à la drogue jusqu’à s’en faire l’esclave, sans pour autant que ses prestations s’en ressentent trop, jusqu’au jour où il a été arrêté parce qu’il avait franchi la ligne qui sépare le consommateur du revendeur…

Une vie qui bascule, mais l’homme a de la trempe. Il séjourne en prison, réussit à faire parvenir une lettre à Kennedy, ce dernier intervient pour qu’une mesure de clémence soit prononcée en sa faveur. Il sort, se remet au piano, mais le monde du jazz a changé, l’acoustique ne fait plus recette, c’est le piano électrique qui a les faveurs du public. Hampton Hawes, dégrisé et désintoxiqué, tente bien de s’y mettre, mais le coeur n’y est pas, et la musique non plus. Le succès le fuit, puis finit quand même par le rattraper sur la toute fin : il enregistre de nouveau deux ou trois merveilles, toujours chez Contemporary. Il raconte tout ça à Don Asher, et puis il meurt, soudainement.

C’est une confession qui tranche : pas de pathos, un style direct et sans circonlocutions, c’est aussi articulé qu’un solo « bop », c’est virtuose et c’est vrai. Cela montre aussi que les préoccupations d’un grand musicien ne sont pas avant tout musicales quand la vie tourne autour de la dope. Au bout du compte, on (ré)écoute Hampton Hawes et on (re)découvre que c’est vraiment magnifique. Alors oui.