Chronique

Laurence Allison Sextet

Thelonious and Bud Together Again

Laurence Allison (voc, textes), Laurent Coq (p), Philippe Soirat (d), Nicolas Dary (ts), Olivier Zanot (as), Jean-Luc Arramy, Jules Bikôkô Bi Njami (b).

Label / Distribution : Cristal Records

De retour avec son sextette régulier, presque au complet pour son second album en leader (après Soul Calls /Juste une trace / 1997) Laurence Allison est en grande forme ; et ceux qui ne connaîtraient pas cette pas cette voix rare, directe et hors-norme ont bien de la chance de pouvoir en faire la découverte.

Mais attention, cette voix au timbre peu marqué ne vient pas toute seule, il faut aller un peu vers elle, en raison d’une spécificité qui pourra de prime abord apparaître comme un tic énervant à certains : Laurence Allison garde sa voix au creux de sa bouche - sous la langue pour être précis - ce qui donne une rondeur toute particulière à ses « on », ses « dè » par exemple ; mais faites-vous votre propre idée, ce sera plus court. Ensuite parce que son approche instrumentale de la voix la fait délibérément s’éloigner des clichés de la féminité vocale, pour assumer un phrasé certes bop, mais empreint d’une certaine sauvagerie ludique et souvent pleine d’humour tant au plan du son que du sens. Il suffit de l’entendre improviser un scat pour s’en convaincre ; avec elle, il ne s’agit jamais de donner une couleur vaguement jazz à un morceau nettement plat.

Sur des thèmes de Bud Powell et de Monk, l’improvisation est à chaque fois instinctive et approfondie, toujours pleine de swing et d’enthousiasme ; d’ailleurs, on pourra en entendre une sur tous les morceaux ou presque ! Technique impeccable, legato hallucinant, on pense tantôt à Eddie Harris quand il lâchait son sax pour glousser un brin, tantôt à Françoise Kubler pour un certain décalage, une sorte de composition de l’humour… Toujours est-il qu’ici, le plaisir qu’elle prend à jouer se traduit en plaisir d’écoute. Mais elle sait aussi émouvoir au plus profond : à preuve et parmi d’autres, la très belle composition du pianiste Laurent Coq, « Cradle Song ».

Difficile d’espérer faire le tour de ce disque à la fois classique dans sa lettre et atypique dans son esprit, mais on soulignera encore l’intérêt des reprises qui, par la magie du « re-recording », offrent grâce à un ensemble a cappella composé de la même voix, un nouveau profil à ces vieux standards et font du même coup jaillir toutes les couleurs de Laurence Allison. On n’entendra pas une parole en français ; on pourra le regretter, mais en anglais ou autrement, on demeure séduit par l’alliage de brut et de précieux que recèle cette chanteuse.