Scènes

Laurent Coulondre ou l’esprit de Michel

Échos masqués de Nancy Jazz Pulsations # 4 – Mardi 13 octobre 2020, Théâtre de la Manufacture : Laurent Coulondre « Michel On My Mind ».


Laurent Coulondre Trio © Jean-Luc Karcher

Ce soir, il ne s’agit pas d’un simple hommage à Michel Petrucciani. Laurent Coulondre a démontré, un grand sourire aux lèvres, à quel point la musique du pianiste vibre en lui.

Laurent Coulondre est un musicien protéiforme. Et très attachant, de surcroît. Ici, à Nancy ou dans les environs, on le connaît bien depuis quelques années. Ce pianiste originaire du Gard, à peine plus de 30 ans, s’est déjà produit en trio dans le cadre de NJP : en 2015, il jouait en première partie d’Avishai Cohen ; et l’année dernière au Chapiteau de la Pépinière, il prenait son envol dans les grands espaces de Guillaume Perret. Quelques mois auparavant, on le retrouvait dans le rôle du remplaçant de luxe au sein de Were4, c’était au Marly Jazz Festival. Cette formation tendance hip hop comptait parmi ses membres un certain André Ceccarelli à la batterie. Et voilà qu’on retrouve l’inoxydable batteur dans cet autre trio venu à Nancy Jazz Pulsations rendre hommage à Michel Petrucciani.

Laurent Coulondre © Jean-Luc Karcher

C’est dire en quelques mots toute l’étendue des influences et la richesse des inspirations qui traversent la musique de Laurent Coulondre. Michel Petrucciani, donc, géant de petite taille disparu voici un peu plus de 20 ans (il n’est pas inutile de rappeler qu’il n’avait que 36 ans…) et dont les mélodies et le chant profond ne cessent de hanter bien des pianistes (et pas seulement). Un homme débordant de vie et d’humour (je vous épargne les jeux de mots parfois coquins qui parsèment sa discographie) par-delà les souffrances infligées par la maladie, qui aura été et demeure un repère majeur dans le travail de Laurent Coulondre. Ce dernier, fort logiquement lui a consacré un album hommage, Michel On My Mind. Disque salué du côté de chez Citizen Jazz, bien sûr.

Le concert de NJP tient toutes ses promesses. Parce que le trio est en état de grâce et parvient dès les premiers instants à atteindre un équilibre des forces qui jamais ne sera remis en cause. Laurent Coulondre est un musicien partageur de ses émotions, sa virtuosité n’est jamais démonstration, il y a chez lui une forme émouvante d’humanité dans l’approche de sa musique, d’écoute de l’autre qui en masque la complexité technique. Et ce soir, il est en communion avec celui qu’il pourrait baptiser « Mon Saint Michel ». Chez lui, les notes peuvent déferler comme rester en suspens. Il faut dire aussi qu’il peut compter sur la fidélité sans faille de son complice de longue date Jérémy Bruyère (contrebasse et basse électrique 6 cordes) ; on se régale de leurs interactions, de leurs sourires multipliés. La contrebasse et la main gauche du pianiste ne cessent de se cajoler, c’est un régal. Quant à André Ceccarelli, que dire de cette légende vivante qui n’ait jamais été dit, outre le fait que je lui décerne à titre personnel le Premier Prix du Pantalon de scène et que le batteur était déjà présent lors de la première édition de NJP en 1973 ? Chapeau l’artiste ! Si la notion de plaisir en musique pouvait être incarnée, elle le serait peut-être à travers un musicien tel que lui, qui semble en état de vibration à chaque instant, même lorsqu’il ne joue pas.

André Ceccarelli © Jean-Luc Karcher

Le trio va passer en revue la quasi-totalité de l’album hommage, mettant en évidence la force mélodique de Michel Petrucciani (je ressens « Colors », « Looking Up » ou « Memories Of Paris » comme de véritables chansons). Laurent Coulondre glisse des compositions personnelles, celles-ci se fondent parfaitement dans l’ensemble (« Michel On My Mind », « Choriniño »). Eddy Louiss, partenaire de Petrucciani pour leurs Conférences de Presse, est également invité à la fête (« Les grelots »).

Un double rappel (« She Did It Again » et « Guadeloupe ») vient parachever cette soirée réussie de NJP dont l’édition dite « Collector » prend une tournure décidément singulière, avec son mélange de joie et d’incertitudes mêlées. Je ne peux ici que remercier, une fois encore, toute l’équipe du festival qui déploie une énergie considérable pour que tout ceci puisse vivre coûte que coûte.