Tribune

Le Jazz en Midi-Pyrénées [4]

Le jazz en Midi-Pyrénées est en perpétuel mouvement, et ce panorama en quatre volets en constitue une photo en un instant T, un cliché nécessairement incomplet mais qui permet d’explorer cette scène. Marciac en est la figure la plus visible mais Toulouse en est le cœur. Réservoir de musiciens, celui-ci irrigue la scène jazz dans la Région et au-delà. Qui joue quoi et où ?


Le jazz en Midi-Pyrénées est en perpétuel mouvement, et ce panorama en quatre volets en constitue une photo en un instant T, un cliché nécessairement incomplet mais qui permet d’explorer cette scène. Marciac en est la figure la plus visible mais Toulouse en est le cœur. Réservoir de musiciens, celui-ci irrigue la scène jazz dans la Région et au-delà. Qui joue quoi et où ?

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Il existe, parallèlement aux festivals, un certain nombre de salles plus ou moins spécialisées dans le jazz en Midi-Pyrénées. Elles jalonnent la région et participent à sa vie culturelle. On en trouve dont la place dans l’espace culturel est très importante, comme la salle Nougaro ou Odyssud. Celles-ci proposent des concerts prestigieux et leurs programmations ressemblent à celles des « grands » festivals. Ainsi, pour la saison 2012-2013, la salle Nougaro proposait Chano Dominguez, David Linx Diederik Wissels quartet, Portico quartet, Rémi Panossian trio, Robin McKelle and the Flytones, Les Doigts de l’homme et The Bad Plus tandis qu’Odyssud programmait Michel Legrand. La Halle aux Grains, elle, a accueilli cette saison John McLaughin et Melody Gardot. Des musiciens très renommés, donc. Il s’agit en l’occurrence de salles toulousaines mais le même constat peut être fait au regard des salles d’autres villes. Ainsi, l’auditorium de Cahors invitait cette saison le trio d’Harold Lopez Nussa, la scène nationale d’Albi le spectacle de Richard Galliano autour de Nino Rota ; quant l’Astrada de Marciac, elle programme depuis qu’elle existe des musiciens de notoriété internationale. En 2012 et 2013, dans le domaine du jazz (et environs, car l’affiche ne relève pas exclusivement de ce registre), on y trouvait Jacky Terrasson, The Barcelone Jazz Orquestra, Mark Withfield, Magik Step, Bobby Watson, Raynald Colom Evocacion II, Kenny Wheeler…

Par ailleurs, plusieurs centres culturels de Midi-Pyrénées accueillent plus ou moins ponctuellement des concerts de jazz. C’est le cas par exemple de l’Athanor à Albi, de l’Apollo à Mazamet, du Centre Culturel Aveyron Ségala Viaur à Rieupeyroux, de Lo Bolegason à Castres, de la Maison du Peuple à Millau, de la Gespe à Tarbes, de l’Estive à Foix et, de manière plus large, des services culturels de différentes communes. Comme dans le cas des salles précédemment citées, on n’y trouve que rarement des groupes régionaux, à l’exception notable de la salle bleue dont la programmation, sous l’impulsion d’Alain Lacroix, est volontairement tournée vers la scène régionale.

L’incontournable mais fragile Mandala

Des salles plus petites, parfois très connues, programment régulièrement des groupes locaux. A Toulouse, le Mandala, jazz club historique, accueille quatre concerts par semaine, dont une jam session souvent animée par le batteur Christian Ton Ton Salut ou le contrebassiste Julien Duthu. Si on trouve quelquefois des musiciens de grande envergure (Denis Badault, Patrice Caratini, Louis Winsberg…), la programmation fait la part belle aux groupes locaux et régionaux ainsi qu’à quelques musiciens hors région mais qui ont gardé un lien, professionnel ou affectif, avec elle. Il n’est pas rare d’y entendre Leïla Martial ou Samy Thiébault. Ensuite, sa programmation est extrêmement diverse : la même semaine on peut y entendre des groupes relativement connus comme Stabat Akish et une formation plus modeste. C’est l’œuvre d’Anaïs André-Cartini, notamment trompettiste du Wonderbrass Band, une « fanfare délibérément féminine ». C’est également au Mandala que, depuis quelques années, Campus FM enregistre, en public et une fois par an, une édition de « Caramel mou », émission hebdomadaire animée par Joe Kangourou qui, sous un autre nom, est également rédacteur d’Intramuros et président des Productions du Vendredi.

Un tissu de lieux culturels parfois informels mais foisonnants

En revanche, les bars, restaurants, salles associatives, sont beaucoup plus ouverts à la scène régionale. Les cachets y sont moindres, lorsqu’ils existent, et, de fait, ces lieux ne peuvent accueillir les mêmes formations que les scènes nationales, par exemple. En revanche, le tissu y est particulièrement dense, beaucoup plus que dans les festivals ou les « grandes salles ». La vie musicale y est donc beaucoup plus foisonnante et on peut y croiser une foule de musiciens.

Là encore, Toulouse prédomine très largement, mais on trouve des lieux très actifs ailleurs, par exemple, à Ercé, en Ariège, qui a à la fois un studio d’enregistrement et une salle de concerts. A Souillac, petite ville relativement isolée dans le nord du Lot, le Grand Hôtel programme plus ou moins régulièrement des musiciens locaux, à l’instar du Cinq à Figeac, du Garden Ice Café à Montauban, de l’Hôtel La Renaissance à Castres ou encore du Saint-James à Albi. C’est aussi le cas du Frog and Rock à Graulhet, du café Plum à Lautrec, du Souleilla à Clermont en Ariège, du Montaswing à Montardit, du Parc à Rodez, du Guingois à Marcillac, de l’Ardoise à Villefranche de Rouergue, du Corto Maltese à Auch, du Puits du jour à Lauzerte, du Central Park à Albi (qui tient une fois par mois « une réunion des improvisateurs du Tarn »)…

On le comprendra, toute ambition d’exhaustivité serait illusoire. D’une part, la liste des bars, restaurants, lieux associatifs, etc, serait longue mais, surtout, elle change constamment : des lieux ferment, d’autre ouvrent. Certains font le choix de programmer des concerts, d’autres arrêtent… En revanche, on pourra retenir qu’il y a une surreprésentation de Toulouse où cette scène, moins formalisée que celle des festivals par exemple, est foisonnante. Pêle-mêle, des bars accueillent le plus simplement du monde tous ces musiciens qui font vivre, quasi au quotidien, la scène locale : Les Pistons flingueurs au Breughuel, Zoo à l’impro, Thibaut Dufoy au Cherche-Ardeur ou le Tribute to Weather Report, mené par Elvin Bironien, au Saint des Seins, des concerts plus surprenants à l’Amanita Muscaria et un nombre de concerts impressionnants au Txus, au café culturel Chez ta mère, au Nain Jaune, à la Dynamo, des jam sessions au Ô boudu pont, au Ôbohême (souvent animées par Timothée Alcorn), à l’Evasion, du new orleans au Carson City, du jazz musette à la Loupiote, des sessions de musique improvisée au Connexion Café ou au sous-sol de la pizzeria Belfort, une programmation très régulière au Resto Jazz, du jazz traditionnel à l’hôtel Mercure. Enfin, beaucoup de choses au Myrys, salle gérée par des artistes venus de différents horizons et différents arts qui, après avoir squatté l’ancienne préfecture de Région, se sont installés à proximité des Ponts-Jumeaux et proposent assez régulièrement des concerts.

Ce sont ces salles qui permettent de croiser le plus fréquemment des groupes régionaux, et de voir quel jazz se construit en Midi-Pyrénées. Il s’agit d’un milieu vivant, informel, plus difficile à appréhender, qui fait l’objet de la programmation des bars culturels, salles associatives, restaurants… Une sorte de off à l’échelle régionale aux côtés des « grands » festivals ou encore des « grandes » salles dédiées au jazz.

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par Gilles Gaujarengues // Publié le 11 novembre 2013
P.-S. :

NB par Diane Gastellu : l’Ardoise à Villefranche continue de programmer régulièrement Marc Perez et Daniel Alogues (jazz à papa de production locale) mais a fermé sa salle jazz, qui est devenue un bureau de tabac. En revanche on pourrait citer à Villefranche le café associatif Les Hauts-Parleurs, qui s’essaie à un peu de programmation jazz aventureuse, avec par exemple Agafia le 14 novembre 2013 (l’un des animateurs du café est le graphiste Igor, un ancien d’Assier).

Par La rédaction :
A suivre : le tout jeune et prometteur « Labyrinthe musical en Rouergue », dont la programmation 2013 faisait notamment intervenir le serpentiste Michel Godard.