Chronique

LéNo

Leonardo Montana (p, voc), Arnaud Dolmen (dm, voc).

Label / Distribution : Quai Son Records

C’est l’un de ces duos que le jazz attendait. Deux amis dont les patrimoines métissés s’agrègent dans des cyclones sensoriels issus de leur maestria sur leurs instruments respectifs. Les fondamentaux du jazz moderne irriguent les compositions avec la dose d’irrévérence qui leur sied : « zoukification » de Monk, un calypso aux accents parkériens, un « Afro Blue » revivifié… s’inspirant, dans la démarche, du « Stream Of Consciousness » de Max Roach et Abdullah Ibrahim (1978). Entre le piano aux réminiscences latines furtives de Leonardo Montana et la batterie aux contours gwo-ka d’Arnaud Dolmen, c’est un manifeste de la créolisation empli de vibrations alizéennes qui est donné à écouter avec jubilation.

Le pianiste, parisien d’adoption, né en Bolivie, est tombé dans le chaudron des pulsations guadeloupéennes durant son adolescence et saisit la moindre nuance de jeu du batteur, quand celui-ci saisit les invitations du premier à emprunter des chemins de traverse, déployant des trésors de musicalité sur une simple jazzette (le plus petit des sets de batterie). Les musiciens possèdent en outre une appétence pour les univers impressionnistes qui leur donne l’occasion, au détour de sensuelles boucles hypnotiques, de sculpter des silences vibrant d’émotions contrastées. La matérialité de leurs joutes fait advenir des paysages oniriques. Ces grooves d’avenir aux contours créoles assumés ouvrent des horizons d’émancipation inédits nimbés d’effluves utopiques.