Lee Konitz

De circonvolutions en périphrases.

Doit-on l’évoquer ? Lee Konitz aura 82 chorus à son compteur le 13 octobre prochain, et Martial Solal (qui fut souvent son partenaire en duos extraordinaires) de même, un peu avant ; tout cela pour glorifier, oui, glorifier - le mot n’est pas trop fort - l’éternelle jeunesse de deux immenses musiciens qu’on (public et critique) ne place toujours pas dans la catégorie « star », et pourtant ! (cf. leur attitude réservée, sans chichis ni chiqué, nulle vaine esbroufe ou carabistouille, le talent à l’état pur, l’élégance, l’audace, l’humour, tant de choses rarement conjuguées).

Dans ce disque, réédition d’un enregistrement d’août 1988, le saxophoniste, qui osa le premier prendre une autre voie que Charlie Parker à la fin des années 40, a choisi - à part deux originaux de son cru - un répertoire de standards redondants dont beaucoup de musiciens abusent encore par paresse ou absence de volonté de transformation, de relecture, voire de démantèlement, mais qui retrouvent ici de nouvelles couleurs par le biais de ces phrases divinement sinueuses, tortueuses sans torture, dont il a le secret depuis si longtemps (l’introduction de « Someday My Prince Will Come », l’énoncé du thème de la « Valse Hot » de Sonny Rollins en duo avec le contrebassiste Mike Richmond, les tours/détours/contours de « Round and Round and Round »…)

Quel plaisir d’entendre également cette rythmique impeccable composée de musiciens qu’on n’entend plus beaucoup en France, contrairement aux années 80/90 (oubli des producteurs, des tourneurs ?) : Fred Hersch, ce merveilleux pianiste se partageant avec bonheur entre jazz et classique, jouant trop souvent l’homme invisible dans l’Hexagone [1]).

Un disque plus que recommandable ; donc, recommandé.

Réédition.

1/ Round and Round and Round
2/ Someday my Prince Will Come
3/ Luv
4/ Nancy
5/ Boo Doo
6/ Valse Hot
7/ Lover man
8/ Blusette
9/ Giant Steps