« Léo Ferré : Poète, vos papiers ! »
Communiqué :
Yves ROUSSEAU : « Léo Ferré : Poète, vos papiers ! »
1. Léo Ferré [1]
Léo Ferré est un artiste célèbre, paradoxalement son œuvre demeure assez mal connue. De Ferré on connaît l’auteur à succès de quelques chansons très populaires, Le Piano du Pauvre, Paris Canaille, Jolie Môme, Paname, C’est extra ou Avec le temps, on se souvient éventuellement, sans en prendre l’exacte mesure, de son travail de mise en musique des poètes (Apollinaire, Baudelaire, Aragon, Verlaine, Rimbaud…), on garde le souvenir réducteur d’un personnage solitaire et hargneux plaidant en faveur de la révolte permanente et de l’anarchie et l’on considère généralement comme incongrues ou déplacées ses incursions dans le domaine de la musique symphonique.
Longtemps, avec Mathieu Ferré, nous avons rêvé de réaliser un spectacle qui aurait permis d’éclairer avec plus de précision l’étendue d’un répertoire et la richesse d’une œuvre dont le rayonnement s’étend bien au-delà des frontières convenues de la « Chanson Française ». Des artistes ont été sollicités, à commencer par tous ceux qui un jour ont prétendu être plus que de grands admirateurs : ses enfants spirituels… Tous se sont finalement « désistés »… Quelques-uns, plus modestes et moins médiatisés ont consacré ça et là des albums entiers aux chansons de Ferré, sans jamais dépasser le stade de la « compilation » de titres déjà très fréquentés… et l’on ne compte plus les versions de Avec le temps qui ne font que renforcer l’idée trompeuse d’un Ferré auteur miraculeux d’une seule chanson.
Nous avons alors compris qu’il ne servait à rien de courtiser ou de flatter tel ou telle et qu’un projet consistant ne pourrait émaner que d’un artiste déterminé et désireux d’affirmer un véritable point de vueartistique. Nous en étions là, prostrés dans le corridor du renoncement… quand Yves Rousseau est venu mettre fin à notre accablement…
2. Yves Rousseau
Yves Rousseau, j’observe son travail depuis des années, je devine sa rigueur, je constate la pertinence de ses projets, j’admire la cohésion et la pérennité de son quartet… Je suis très sensible à son univers musical, savant dosage de musique écrite et de musique improvisée. En 2003 j’ai eu l’opportunité de le rencontrer, de le fréquenter jusqu’à l’aboutissement en 2005 de « Sarsara », second album de son quartet. Sa suite « Aguirre », inspirée par le film de Werner Herzog, est un modèle d’équilibre et d’illustration évocatrice…
Aussi quand il m’a téléphoné immédiatement après avoir visionné le DVD et écouté le CD « Léo Ferré Sur la scène » pour me dire : « Et dire que je croyais connaître Léo Ferré » puis « Ferré, sur scène, on dirait Coltrane » et enfin « J’ai envie de faire quelque chose avec Ferré, crois-tu que cela soit
possible ? ». J’ai compris que nous avions enfin trouvé l’artiste avec lequel il allait être possible d’aboutir un projet original et consistant.
3. Poète, vos papiers !
Poète, vos papiers ! est le premier des deux recueils de poèmes assemblé par Léo Ferré. Le second « Testament Phonographe » publié en 1980 regroupe 144 textes pour la plupart mis en musique et chantés. Edité fin 1956, « Poète, vos papiers ! » proposait des textes qui ne semblaient pas destinés à la
« chanson ». Au moment de sa publication, sur les 77 textes qui constituent le recueil, 3* font l’objet d’un enregistrement officiel, 3** d’enregistrements inédits, 2*** autres devenant des chansons à l’occasion de la publication du livre. Pour cette unique raison, plusieurs grands éditeurs refusèrent de publier un manuscrit qui n’intégrait aucun texte de chansons faisant la renommée de leur auteur. Léo Ferré serait-il d’un côté un auteur de chansons populaires et de l’autre un poète élitiste ? Douze ans plus tard, Ferré, sans doute stimulé par l’arrivée d’un nouvel auditoire rajeuni et plus réceptif, apportera une première réponse en chantant une quinzaine de titres de son recueil, dont certains ° sont encore aujourd’hui considérés parmi ses plus grandes « chansons ».
A partir de 1980, Léo Ferré travaillera à un nouveau projet de mises
en musique de 23 poèmes. Le premier °° sera réalisé sur l’album Ludwig-L’imaginaire-Le bateau ivre et quatre autres °° figurent sur l’album On n’est pas sérieux quand on a 17 ans, les suivants ne seront jamais enregistrés y compris les trois que chantaient Léo Ferré lors de son ultime récital °°°. Au final ce sont au moins 55 titres, qui étaient destinés à la « chanson ». Il nous a semblé intéressant de poursuivre le travail de mise en musique entrepris par Léo Ferré qui nous rappelle dans Préface que : « … Toute poésie destinée à n’être que lue et enfermée dans sa typographie n’est pas finie Elle ne prend son sexe qu’avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l’archet qui le touche ».
* L’amour / La grande vie / Ma vieille branche
- * L’opéra du ciel / Paris / La femme adultère
- ** L’été s’en fout / Les copains d’la neuille
° Poètes, vos papiers ! / Préface / A toi / Le testament / Les passantes / Le crachat…
°° La sorgue
°°° Le faux poète / Les morts qui vivent / Le sommeil du juste / Visa pour l’Amérique
°°°° Récréation / L’homme lyrique / Monsieur le poète untel
Avec : Jeanne Added et Claudia Solal (voix) - Yves Rousseau (contrebasse) - Christophe Marguet (batterie) - Régis Huby (violon) - Jean-Marc Larche (saxophone)
Création a la Bergerie a Nangis (77) les vendredi 23 et samedi 24 mars 2007 a 20h30
Extrait :
L’enfance, la musique, les autres et Ferré…
Jolie Môme, C’est extra, Rotterdam, La The Nana ou encore Avec le Temps ont constitué dans les années soixante-dix, aux côtés de Bach, Beethoven, Armstrong ou Django, les fondements de ma culture musicale. Alors qu’inconsciemment je m’imprégnais de ces chants devenus les « tubes » que l’on sait, je n’avais de Léo Ferré que l’image d’un « fort en gueule », revendicateur écorché au visage de Merlin désenchanté. Avec les années, j’ai pris conscience de n’avoir eu accès qu’à la partie émergée de l’iceberg, au Ferré plus souvent caricaturé que décrit. J’ignorais tout des nombreux talents de cet artiste multiple. Je suis aujourd’hui intimement persuadé que le projet scénique et discographique dont il est question ici est un écho de cette époque, lorsqu’enfant je découvrais ce Robinson échoué sur l’île de la chanson française. Je puis dire que, tout comme je me suis construit à l’architecture de Bach ou au swing de Louis Armstrong, j’ai grandi au « son » de la voix de Léo Ferré.
La rencontre, Ferré est un « autre »
Au cours de l‘année 2004 j’ai finalement rencontré un autre Léo Ferré par le biais du Dvd et du Double CD Sur la Scène rassemblant des extraits de concerts captés lors de la tournée 72-73 et commercialisé quelque 30 ans plus tard. Ferré se produisait alors avec Paul Castanier, fidèle compagnon devenu au fil des ans son alter ego - précision que je donne à dessein tant l’osmose qui existe à cette époque entre le chanteur et son pianiste est sidérante. J’ai découvert à cette occasion quels étaient les thèmes de prédilection pour le moins récurrents chez l’homme et l’artiste ainsi que quelques grands textes lyriques dont j’avais ignoré jusque-là l’existence ; parmi eux je citerai pour exemple « Les Amants Tristes » qui est digne de la plume de Baudelaire, Apollinaire ou Rimbaud, ou encore « La Mélancolie », sorte de Round Midnight …
De Ferré à Coltrane… il n’y a qu’un pas (?)
Moi qui fus très impressionné, comme tant d’autres, par la puissance et l’énergie des grands solistes qui ont fait l’histoire du jazz, j’avoue avoir été totalement bouleversé à la découverte de ces images d’un artiste aussi
investi et aussi habité, tant par le texte que par la musique… J’ai vu John Coltrane en lieu et place de Ferré ! Coltrane esquissant le thème d’Afro Blue, de My Favorite Things ou de Naïma, transformant peu à peu le dessin d’une mélodie en une toile de peintre visionnaire obsédé par la multiplicité des couleurs… Préface, A Toi ou Ni Dieu ni Maître devenaient autant d’oeuvres ayant en elles la même puissance d’évocation que ces citadelles de la musique afro-américaine. Je retrouvais dans l’engagement de Ferré la même urgence, le même chant intérieur à rapprocher parfois de la transe. Le timbre et la justesse de la voix de Ferré, la beauté de ses choix mélodiques alliée à la celle de sa poésie m’ont ému jusqu’au plus intime… J’ai tout autant été fasciné par le compositeur que par le poète, comme par le courage de l’artiste très tôt débarrassé de tout carcan esthétique et de toute contrainte formelle… Ferré grognait, s’emportait, choquait… sait-on à quel point il doutait ? Une seule certitude : il travaillait sans relâche… J’imagine que son amertume fut grande à constater qu’on ne lui reconnaissait pas de véritable statut de compositeur, alors qu’il avait pour le moins, un sens aigu du maniement de la masse orchestrale…
Quel orchestre, quelle instrumentation ?
Fin 1999 naissait Fées & Gestes, projet pour lequel je fis appel à Jean-Marc Larché aux saxophones, à Régis Huby au violon et à Christophe Marguet à la batterie. En février 2001 nous publiions un premier album au titre éponyme, puis un second en 2005 intitulé Sarsara nous donnant l’occasion de rebaptiser le quartet du même nom et d’intégrer le label Le Chant du Monde/Harmonia Mundi. C’est avec cette formation que j’ai imaginé ce travail autour de Léo Ferré et de son recueil Poète, Vos Papiers !. Les acquis du quartet, sur disque comme sur scène – une centaine de concerts depuis les débuts de l’aventure -, le bonheur de partager notre art collectivement et nos convergences de vue s’agissant de l’esthétique du groupe le rendent indispensable à mes yeux pour mener à terme un projet d’une telle importance…
Au quartet j’ai souhaité adjoindre deux voix qui comptent parmi les plus belles et les plus novatrices dans l’univers des musiques improvisées : celles de Claudia Solal et de Jeanne Added. Poète, Vos Papiers ! est à la fois conçu comme un programme de concert et d’album. Il proposera 24 textes parmi les plus emblématiques dans l’écriture du poète. Certains de ces textes ont été mis en musique et enregistrés par Ferré, essaimés çà et là sur différents albums. D’autres, mis en musique par Ferré n’ont, pour des raisons très diverses, jamais été gravés ; nous découvrirons donc « ensemble » ces « nouvelles » chansons de Léo Ferré arrangées pour la circonstance. D’autres textes, enfin, n’ont jamais été mis en musique et le seront pour cette occasion.
Poète, Vos Papiers ! est donc un projet tout à fait inédit : ce n’est ni un projet spécifiquement « chanson », ni un projet spécifiquement « jazz », mais un savant dosage des deux, un voyage musical et poétique proposé par une formation dont le « son » est inédit dans le paysage de la musique européenne d’aujourd’hui. Poète, Vos Papiers ! pourrait être la lettre que je n’ai jamais écrite à Ferré… Ferré l’unique… Ferré poète capable d’écrire pour un orchestre symphonique… Ferré chanteur… Ferré compositeur de mélodies qui ont fait le tour du monde… Comme la signature de mon profond respect à celui dont le génie aura abondamment nourri mon imaginaire…
(Yves Rousseau, décembre 2005)
• Rencontres avec le public entre Mathieu Ferré et Alain Raemackers
- le mercredi 13 à 18h à la médiathèque : « Léo Ferré L’homme Public / L’homme privé / L’homme secret »
- le jeudi 14 de 15h à 17h : au lycée : « Ferré Compositeur : du Rêve à la réalité / de la réalité au Rêve. »
- le jeudi 15 à 20h30 à la Bergerie : « Ferré Compositeur : du Rêve à la réalité / de la réalité au Rêve. »
EN PRATIQUE :
de Paris : 60 km
de Melun : 26 km
de Provins : 20 km
de Fontainebleau : 35 km
Bus : ligne régulière en direction de Melun, Provins, Montereau (aller-retour)
Route : RN 19, RN 4, A 5 (sortie Forges ou Châtillon la Borde)
Rail : 50 minutes de Paris par la gare de l’Est (ligne Paris-Bâle)
Horaires Paris Est : 18h14 /Nangis 19h04 ou 19h28-20h15
PRECISION IMPORTANTE : nous organiserons le retour sur Paris des courageux qui viendront en train (dès lors qu’ils nous auront prévenus à l’avance !!!=⇒ 01-34-12-47-63 OU 06-16-89-64-69)
Nangis…
C’est avec cette ville de 7800 habitants dotée d’infrastructures culturelles
exceptionnelles pour une commune de cette taille qu’une collaboration est
née en 2003 sous la forme d’une résidence d’artiste. Le cas est suffisamment peu fréquent pour être souligné : je veux dire ici à quel point il est devenu rare qu’une collectivité locale s’implique avec autant de foi dans un accompagnement basé non pas sur une hypothétique résonance
médiatique plus ou moins immédiate, mais sur un véritable travail de
diffusion et de sensibilisation sur le long terme. Nangis, tournée vers l’avenir,
a fait le choix de l’audace… Une des principales caractéristiques de cette forme de présence « sur le terrain » est une présentation régulière au public du travail de l’artiste résident : Nangis verra donc naître le spectacle « Poète, vos papiers ».
(Yves Rousseau)