Scènes

Les frères Belmondo : le retour !

Échos de Nancy Jazz Pulsations # 3 – Vendredi 11 octobre 2019, Salle Poirel – Boubacar Cissokho & Vincent Petit / Belmondo Quintet.


Belmondo Quintet © Jacky Joannès

C’est une soirée très propice aux voyages que propose NJP : par la poésie d’un duo créé à l’occasion d’une création du festival d’abord ; ensuite, par une célébration vibrante offerte par le quintet des frères Belmondo, qui revient après une longue absence.

Retour à la Salle Poirel, moins bondée que la veille mais bien remplie tout de même. Le public est attentif, il sait que de beaux voyages l’attendent.

Boubacar Cissokho & Julien Petit © Jacky Joannès

C’est d’abord celui que propose un duo plutôt singulier du fait de sa formule sonore : il est composé du joueur de kora sénégalais Boubacar Cissokho et du saxophoniste lorrain Julien Petit. « Amitié France Sénégal », comme le dit le titre d’une des compositions jouées ce soir. Car il s’agit bien de cela aussi, au-delà d’une l’expérience artistique qui prend vie depuis l’été et ne s’arrêtera pas à la fin de NJP. Cette rencontre entre les deux musiciens, devenue une amitié, est la première création internationale du festival, elle s’inscrit dans le cadre d’un projet tout autant artistique que pédagogique, qui associe aussi la lutherie de Mirecourt, dont la renommée mondiale n’est plus à faire. Une très belle initiative. L’association entre ces instruments n’est pas si courante, la kora mêlant plus souvent sa sonorité à celles d’autres cordes. Entre les deux musiciens, l’entente – la complicité, même – est parfaite et le duo dévoile des paysages empreints d’une grande douceur et de beaucoup de poésie. Fluidité, communion des âmes, célébration des ancêtres comme des enfants. L’ambiance est presque recueillie, dans une joie intérieure qui illumine tous les visages. C’est une unanimité qui nous rappelle que le brassage des cultures est une richesse : une belle leçon de vie en ces temps où le rejet de l’autre semble le remède à tous les maux de notre société malade de son égoïsme.

Belmondo Quintet @ Jacky Joannès

Ils sont venus, ils sont tous là, ou presque. C’est vrai que ça faisait un bon bout de temps que le quintet des frères Belmondo n’avait pas pointé le bout de ses instruments. En dehors d’une apparition lors de l’édition 2017 du Marly Jazz Festival, je me dis qu’il faut remonter le cours du temps – au moins huit ans – pour retrouver sa trace. Si l’idiome est le même – un hymne solaire, pourrait-on dire – le groupe a un peu changé : aux côtés des frangins tous sourires dehors, le fidèle Sylvain Romano (le contrebassiste va faire la démonstration d’une assise rythmique sans faille) a répondu présent ; deux « petits nouveaux » font leur entrée dans le cercle, en la personne du pianiste Éric Legnini dont on ne présente plus l’hyperactivité et d’un des musiciens les plus attachants qui soient, artisan des couleurs de peaux, le batteur Tony Rabeson. Voilà donc beaucoup de raisons de me réjouir. D’autant que le quintet paraît en forme : Stéphane Belmondo (trompette, bugle et conque) fait montre d’une verve et d’une volubilité étincelante, il y a chez lui un réel plaisir d’être là au milieu de ses camarades qu’il n’hésite pas à filmer en direct sur scène. Plus tourmenté, vivant de l’intérieur sa musique, Lionel Belmondo (saxophone ténor, flûte) incarne à lui seul cet amour profond et indélébile envers une fusion des styles qui est la marque d’un groupe que le public est visiblement heureux de retrouver. Ce jazz-là est spirituel par essence, souvent méditatif avant la jubilation de l’instant qu’il faut vivre pleinement. Un jazz qui convoque Yusef Lateef (avec lequel le groupe a travaillé autrefois), Elvin Jones ou John Coltrane tout en revendiquant l’influence directe de la musique impressionniste du XXe siècle. Beaucoup d’intensité donc, jusqu’au bref rappel qui sera l’occasion de jouer le thème de « Naima », et un concert en forme d’exultation. En retrouvant cette musique, je me dis aussi que l’histoire ne va pas s’arrêter là.
On pressent une suite. Je vous tiendrai au courant.