Les voix de l’onde

Deux soirs de suite, quelques Nantais ont pu écouter la chanteuse suédoise et néanmoins parisienne dans deux contextes différents, mais pas si éloignés.

Dans un premier temps, devant une petite assemblée, un double plateau paritaire, au Pannonica, a permis d’entendre le groupe Yasaï, un trio original. Composé de la saxophoniste et clarinettiste Kumi Iwase, du violoncelliste Hugues Vincent et du batteur Colin Neveux, ce trio propose une musique plutôt écrite et tenue, dans un registre assez énergique. Quelques échappées improvisées sont venues mettre le désordre dans une structure qui ne se distingue vraiment pas par sa chaleur.

En seconde partie, le trio You emmené par Héloïse Divilly à la batterie réunit Guillaume Magne à la guitare et Isabel Sörling à la voix et a enchanté la salle par cette musique inventive et surprenante qui s’impose subrepticement.

You

La musique de ce trio est une sorte de folk-pop, avec des chansons à texte, mâtinée d’improvisations et d’interactions instrumentales. En se faisant la réflexion, la proposition hybride conviendrait autant à une scène pop-rock que jazz. Le jeu de Guillaume Magne apporte justement cette couleur rock, avec ses trois amplis pour sa guitare (pour le son direct et pour les effets) qui donnent une profondeur sonore inédite. Les compositions, chaleureuses et énergiques restent en tête, longtemps après le concert. Isabel Sörling, debout derrière son plateau d’effets, se campe sur les jambes et commence toujours par un balancement, une ondulation du buste, avant que le son ne sorte. C’est alors son corps qui chante, en entier, comme un instrument.

Nous avons dit tout le bien que nous pensons de la chanteuse qui confirme, dans tous ses projets, sa faculté à embrasser la musique des autres tout en y apportant l’entièreté de sa couleur vocale. Poussé et soutenu par le drive énergique d’Héloïse Divilly, le trio You – dont c’était seulement le dixième concert – est à découvrir, sur scène ou en disque.

A la fin du concert, à la demande du groupe, les tables et les chaises ont été poussées sur le côté et le public, les musicien.ne.s et l’équipe ont été invités à danser une véritable bourrée, en ligne et en rythme. Un moment surprenant, improbable et mémorable dans l’histoire du club de jazz le Pannonica !

La bourrée et la soirée passées [1], nous étions aussi le lendemain après-midi dans les locaux d’Atlanbois. Cette construction, véritable palais du bois, trône sur l’île de Nantes et rassemble toutes sortes d’acteurs des filières du bois. Il y a un atrium de cent places dans lequel le duo Ronan Courty – Isabel Sörling était programmé, dans le cadre des concerts « chez l’habitant » organisés par le Pannonica.

Les deux partenaires se connaissent depuis plusieurs années, puisque la chanteuse participe à l’hommage à Moondog par le Cabaret Contemporain, l’un des groupes du contrebassiste. Aussi la petite heure de répétition juste avant le concert était suffisante pour mettre au point le répertoire : des compositions d’Isabel – « A Feather of a Human » et « Ghosts », quelques standards de blues ou de pop et des plages improvisées. Le jeu très rythmique, très coloré de Courty formait un contraste suave avec les feulements de la chanteuse et parfois, lui à l’archet et elle chantant très legato, les chansons s’enroulaient en volutes, avec délicatesse.
Une belle proposition, pleine de promesses, où les harmoniques naissent d’une harmonie évidente.