Chronique

Lillinger /Ceccaldi /Graupe /Ceccaldi

qÖÖlp

Theo Ceccaldi (vln), Ronny Graupe (g), Valentin Ceccaldi (cello), Christian Lillinger (dms)

Label / Distribution : BMC Records

Lorsque le premier disque de qÖÖlp est paru, fruit d’une rencontre à Jazzdor, on pouvait évoquer l’heureuse surprise des premières fois. Les musiciens franco-allemands (les frères Ceccaldi aux archets, Ronny Graupe à la guitare, Christian Lillinger à la batterie) ont depuis lors eu le temps de maturer, ensemble ou dans leurs projets respectifs, et se sont beaucoup intéressés à l’Europe. On le savait pour Théo Ceccaldi et son frère, on l’a découvert récemment au sujet de Lillinger avec sonorchestre très ambitieux, à la frontière de plus d’un genre. C’est d’ailleurs un mot-clé qui leur va à tous à ravir. Frontières, où plutôt l’abolition d’icelles, ainsi qu’on l’entend dans « Toronto », avec la guitare qui bâtit sans fioriture sur le terrain de jeu coutumier de Valentin Ceccaldi. Entre blues taciturne et quelques atomes viennois toujours présents dans le discours du violon.

Le quartet ne tient pas en place, et c’est ce qui en fait la grande solidité. Picorer n’est à priori pas une qualité, mais qÖÖlp en fait un art : les morceaux sont courts, miniatures même lorsqu’ils n’excèdent pas les deux minutes. Et pourtant, dans ce laps de temps, les musiciens parviennent un construire un petit monde, à l’animer, à créer même des rebondissements. On peu passer, dans « Those », du travail d’un silence plein de bas-reliefs aux retentissement des fûts sur « Get Together ». Dans ce dernier morceau, on pense à ce que les Ceccaldi proposent dans In Love With, mais sans l’implacable rectitude de Sylvain Darrifourcq ; Lillinger, en symbiose absolue avec le violon, offre une autre façon d’aborder les musiques hors-norme, davantage explosive malgré une distance plus grande avec les cordes. Ainsi dans « Wröökj », il martèle sa caisse claire sans pour autant chercher à être martial ; il ne hausse pas le ton et laisse le violoncelle mener les débats avec une guitare qui double ses pas comme un fantôme en maraude.

Il n’est guère étonnant que cet orchestre publie son premier album studio chez Budapest Music Center : c’est foncièrement leur maison. Lorsque qÖÖlp s’offre plus de temps, à l’instar de « Mermaids et Sperm Whales », on passe en un instant d’un prélude bachien à des circonvolutions de cordes qui hésitent entre musique répétitive et folklore imaginaire. On tutoie même le rock dans « 7 », alors que Graupe se révèle comme le climatiseur - davantage que leader, rôle partagé et égalitaire - du groupe. Seul Théo Ceccaldi a un rôle moins défini, davantage électron libre, notamment dans les partitions écrites par le batteur. Avec qÖÖlp, ce sont quatre fortes têtes qui s’unissent sous l’égide de l’écoute mutuelle. « Listen  », s’intitule la dernière pièce, comme un mot d’ordre général qu’illustre bien un autre morceau : « Il se trouve que les oreilles n’ont pas de paupière », plein de poésie. Ça tombe bien, nous n’avions aucune intention de fermer les yeux.