Lina Allemano Four

Avec ce sixième disque en quinze ans, le quartet de la trompettiste fait preuve de longévité et de patine. Les compositions sont signées de la musicienne, cheffe d’orchestre, responsable de label. Cette énergie mise au service de l’ensemble de la production se ressent dans la musique. On sent une maîtrise et une fluidité dans la narration, dans les attaques, dans l’interaction.

Le couple de soufflants Lina Allemano à la trompette et Brodie West au saxophone alto est en perpétuelle polyphonie, enchaînant leurs mélismes comme ceux des improvisateurs cornet/clarinette/trombone de la musique New Orleans. Mais ici, la progression est plutôt thématique et moins contrapuntique. Pour soutenir cette double voix, la contrebasse d’Andrew Downing et la batterie de Nick Fraser se travestissent. On aura rarement entendu basse aussi souvent jouée dans les aigus, à l’archet, quitte à se mêler aux deux soufflants, comme une troisième voix de tête. De même, le batteur abandonne tout système habituel et se métamorphose en artificier : des sons légers, fins, aériens, des cliquetis et des claquements plutôt que des frappes, du pointillisme plutôt que du soutien rythmique. La trompettiste reste dans un registre très cuivré et doux, s’octroyant quelques fois des pas de côté plus bruitistes, comme elle en a l’habitude dans d’autres projets.
Cette combinaison de légumes (les titres portent le noms de 6 variétés de légumes) tient plus de la macédoine que du potage. Chaque élément sonore est bien identifiable, coupé en petits dés, mais c’est le mélange qui donne un sens.
Les thématiques des morceaux sont de petites cellules mélodiques, simples d’apparence, qui sont répétées et déclinées avec une narration d’ensemble tout à fait classique.

C’est d’ailleurs le secret de cette réussite : faire avec de vieilles recettes une petite sauterie merveilleuse.