Chronique

Linda Fredriksson

Juniper

Linda Fredriksson (as, bas, bclar, g, p, voc, synth) Tuomo Prättälä (rhodes, moog, synth, p) Olavi Louhivuori (d) Mikael Saastamoinen (b) Minna Koivisto (mod synth, moog)

Label / Distribution : We Jazz Records

Ceux qui ont encore dans l’oreille la musique énergique du trio Mopo ou celle, plus romantique, du quartet Superposition du batteur Olavi Louhivuori, connaissent le son puissant, chaud et à vif du saxophone baryton de Linda Fredriksson. Et sur scène, il faut voir le phénomène, petite personne fluette qui balance l’instrument comme on souffle sur une plume, à fond, tout droit. Linda Fredriksson fait partie des meilleur.e.s saxophonistes barytons d’Europe, sans l’ombre d’un doute.

Aujourd’hui, c’est avec un projet différent des précédents que son nom éclate au grand jour. Juniper (Genévrier), un album qui sort chez We Jazz, le label d’Helsinki, fait déjà beaucoup parler. Avec une maîtrise inattendue de nombreux instruments, à commencer par le saxophone alto, la clarinette, mais aussi la guitare et le piano, Linda Fredriksson se met à nu. Bien sûr, les musiciens qui l’entourent sont essentiels à la musique, mais dans le fond, la production du disque met vraiment l’instrumentiste en avant, en presque solo. Et la musique en est transfigurée.
Il y a beaucoup d’électronique, certes, mais on ne l’entend pas tant que ça : c’est habilement orienté pour éclairer plutôt qu’alourdir, comme les field recordings qui parsèment ce cabinet de curiosités.
L’ambiance générale se résume parfaitement avec le titre « Transit in the softest forest, walking, sad, no more sad, leaving ».

Les compositions, toutes signées par le.a saxophoniste, ont cette saveur nostalgique des moments charnières dans la vie, quand on sent que quelque chose s’est passé et que rien ne sera plus comme avant. Juniper donne ce sentiment, avec profondeur et émotion. Il y a toutes les imperfections sonores de la sincérité, les cliquetis des clés des saxophones, le bruit de la respiration, les bruissements des synthés et tout le disque s’allume de rose, la pochette aussi.
Le.a saxophoniste signe là un disque magnifique qui s’appuie sur des structures très solides de chansons, de thèmes carrés et qui s’en libère à chaque instant par une force expressive débridée.

par Matthieu Jouan // Publié le 5 décembre 2021
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