Chronique

Lisa Cat-Berro

Good Days Bad Days

Lisa Cat-Berro (as, voc), Julien Omé (g), Stéphane Decolly (elb), Nicolas Larmignat (dms).

Label / Distribution : Gaya Music

On pressentait ce disque. Non que Lisa Cat-Berro soit une musicienne prévisible, loin de là, mais différents indices, tels de petits cailloux semés sur son chemin onirique, étaient annonciateurs d’un virage dans sa trajectoire musicale. Ainsi ces mélodies en forme de miniatures composées pour l’album Broderies d’Armel Dupas, qui ressemblaient à s’y méprendre à des chansons sans paroles. Ainsi ces reprises, instrumentales certes, de Neil Young ou Joni Mitchell sur Inside Air en 2013, deux artistes majeurs de la sphère du songwriting et sources d’inspiration en provenance d’un univers composite, folk, rock et pop intimement mêlés. La chanteuse patientait derrière la saxophoniste, elle ne demandait qu’à éclore et les dernières années écoulées lui ont permis de réaliser un vieux rêve qui a des allures d’évidence.

Huit ans séparent Good Days Bad Days de son prédécesseur. Un temps long qui s’est imposé à elle pour des raisons que Lisa Cat-Berro explique dans l’entretien qu’elle nous a accordé. Une quasi-décennie qui n’aura pas été marquée par l’inactivité mais au contraire mise à profit pour écrire et terminer aussi le travail commencé dans le sillage d’Inside Air, entourée des mêmes musiciens. Soit une coalition résolue à transporter cet élégant bagage musical dans les meilleures conditions : Julien Omé (guitare), Stéphane Decolly (basse) et Nicolas Larmignat (batterie). Il aura fallu patienter, c’est vrai, mais l’attente est largement récompensée. Alternant chansons et thèmes instrumentaux, Good Days Bad Days est un disque limpide, presque cristallin, à l’instar de « Water Girl » qui en est l’ouverture.

C’est un groupe solidaire qui cisèle les mélodies de ce jazz folk (ou folk jazz, c’est au choix), aux couleurs tantôt électriques, tantôt acoustiques, autant de variations qui soulignent le travail d’orfèvre de Julien Omé. La voix de Lisa Cat-Berro – héritière en ligne directe du chant de Joni Mitchell – est empreinte de douceur et d’assurance à la fois. Comme l’est celle de son saxophone, toujours aussi sensible et dont elle est rien d’autre que l’alter ego charnel. La prononciation des textes – tous en anglais parce que c’est souvent ainsi qu’ils adviennent – est un sans-faute qu’on ne manquera pas de souligner parce qu’une telle qualité n’est pas si courante. Des invités surgissent, leur voix épousant alors la musique selon un principe de collage déjà mis en œuvre sur Inside Air (avec un discours de Winston Churchill) : Jiddu Krishnamurti, penseur indien, se penche sur la question de la « Reincarnation » ; l’actrice Anouk Grimberg dit une lettre autrefois lue par Romy Schneider dans César et Rosalie, le film de Claude Sautet. Tous les thèmes chers à la saxophoniste sont au cœur de ce nouveau disque : l’amour bien sûr et parfois l’attente ou la tristesse qu’il peut susciter, le temps qui passe, tous ces cycles qui font une vie et sonnent parfois comme des renaissances. Les bons et les mauvais jours. Et puis, comme un appel venu des profondeurs d’une poésie d’autrefois, il y a cette image d’une femme aquatique et mystérieuse, proche cousine d’une naïade. Lisa Cat-Berro est de l’école romantique, on l’aura compris.

Good Days Bad Days, un tel titre dit ce qu’est la vie, avec ses hauts et ses bas. Pour Lisa Cat-Berro, il appartient à la première catégorie et pourrait constituer un repère : celui de l’avènement d’une musicienne dont la panoplie s’est enrichie d’une voix supplémentaire, devenant ainsi plus que jamais une enchanteuse.