Chronique

Lucy Railton & Kit Downes

Subaerial

Lucy Railton (cello), Kit Downes (orgue)

Label / Distribution : SN Variations

L’association violoncelle-orgue n’est pas des plus courantes et se prête pourtant à d’étranges cérémonials où l’improvisation est cristallisée en modules qui servent ensuite de matériau pour construire un dialogue, une résonance propre entre les deux musicien.ne.s.
Si la violoncelliste Lucy Railton, berlinoise et plutôt ancrée dans la musique contemporaine, se frotte au pianiste et surtout organiste Kit Downes, figure d’ECM, électron libre de la scène jazz européenne, c’est parce qu’elle se sait en confiance et en harmonie. Tous les deux se connaissent depuis longtemps et travaillent ensemble à l’occasion de quelques projets. Leur duo remonte d’ailleurs à 2015, avec Tricko (avec un piano). Ce disque-ci marque une étape dans leur parcours qui leur permet aujourd’hui d’aborder ce répertoire particulier, pour lequel quelques recherches étaient nécessaires. En l’occurrence, la recherche d’une acoustique propre à recueillir et absorber leurs traits étirés et les séquences de nappes sonores.
C’est sur l’orgue d’une cathédrale islandaise que Kit Downes fait ronfler les tuyaux et dispose des registres tandis que Lucy Railton, à l’archet, chante quelque complainte inspirée.

Le titre Subaerial fait référence implicitement à la surface de la terre, une façon de décrire cette musique qui semble totalement flotter dans des limbes imparfaits alors qu’elle est naturellement ancrée dans le terrestre. Les deux musicien.ne.s d’ailleurs l’illustrent parfaitement en usant sans retenue de toute la gamme des sonorités et techniques de jeux qui leur permettent à chaque instant de surprendre et d’étonner. Pizzicato, harmoniques, grandes orgues, chuintement, clusters, etc… tout est jazz dans l’approche musicale du duo et la couleur d’ensemble, bien que peu habituelle pour nos oreilles, n’en est que plus chatoyante.

Sur scène, Kit Downes est à l’orgue Hammond, avec une cabine Leslie qui permet les mêmes accords ronflants et tournants, mais avec une chaleur plus commune et, pour le coup, plus familière. Le programme est en partie écrit, ce qui permet quelques envolées de concert avec une narration plus tenue.

Subaerial fait partie de ces albums rares, témoignages d’une rencontre artistique réussie auquel on accède facilement pour autant qu’on se laisse aller un peu.

par Matthieu Jouan // Publié le 3 octobre 2021
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