Chronique

Luigi Grasso

The Greenwich Session, Invitation au voyage

Label / Distribution : Camille Production

Tenant d’une orthodoxie be-bop, le saxophoniste, « Italien du monde », a réuni un tentet du tonnerre. Alignant des instantanés autobiographiques issus de ses déambulations autour du globe, Luigi Grasso dirige un grand ensemble incandescent. Les harmonies de l’orchestre sont mouvantes et finement ciselées, autorisant des prises de risque pyrotechniques dans les soli. L’usage savamment dosé de cors d’harmonie (français et anglais), ainsi que de la clarinette basse (merveilleux Thomas Savy) n’est pas sans rappeler le travail d’arrangement pour big band d’un Jimmy Giuffre, avant qu’il ne se dirige vers des formes plus « free ».

Les musiciens s’emparent du répertoire avec malice et virtuosité - ainsi du contrebassiste, qui exécute tous ses chorus à l’archet, parfois sur un tempo d’enfer. L’orchestre appuie les témoignages des pérégrinations du leader autour du méridien de Greenwich. Lui-même convoque ses souvenirs de globe-trotter, comme sur « Taksim.. » écrit au mitan des années 2010 après qu’un de ses concerts stanbouliotes eut été interrompu par une charge policière : son baryton résonne comme une alerte aux libertés menacées. Les deux thèmes chantés donnent le La du disque, entre lyrisme (Paola Mazzoli sur « Invitation au voyage ») et blues (China Moses sur « Champagne Is to Blame », avec une méchante rythmique shuffle). Avec des projets de cette trempe, le feu du bop n’est pas près de s’éteindre.

par Laurent Dussutour // Publié le 2 mai 2021
P.-S. :

Luigi Grasso (dir, as, bs), Pasquale Grasso (g), Ari Rolland (b), Keith Balla (dm), Balthazar Naturel (cor, ts), Armand Dubois (cor), Thomas Savy (bcl), Thomas Gomez (as), Fabien Mary (tp), Bogdan Sydorenko (cor), Joan Mar Sauque Vila (tp), China Moses (voc), Paola Mazzoli (voc)