Malaby, Dumoulin, Ber

Ce disque est composé de captations saisies à trois moments du mois de novembre 2022 : en studio d’abord, lors du festival Jazzdor ensuite, puis 19 rue Paul Fort enfin. Samuel Ber, à l’initiative de cette rencontre et compositeur des thèmes, a ensuite sélectionné les fragments qui lui semblaient les plus intéressants pour les monter dans l’ordre qui figure sur le disque.

De cette composition fragmentée puis agencée, il ressort des titres à écouter comme une suite qui ne serait pas une enfilade de morceaux, mais plutôt le journal de bord d’un voyage hiératique à travers un paysage lunaire. Les différentes couleurs grises et métalliques, les pistes qui s’effacent au bout d’un certain temps rendent compte des humeurs et des climats que les trois musiciens initient puis traversent.

Les claviers étranges de Jozef Dumoulin sont, bien sûr, pourvoyeurs d’horizons instables à la fois synthétiques et organiques que vient déstructurer plus encore la batterie bancale et cérébrale de Ber. Pour autant, malgré cette confrontation, au fil du propos, finit par s’installer un groove incongru porté par la raucité puissante du saxophone de Tony Malaby qui, par son souffle très physique, apporte un supplément de chaleur tout en embarquant le trio dans une dimension sculpturale : celle du son comme celle du temps. Le voyage ne s’arrête pas là, toutefois, et un retour à des parties en suspens, à des focalisations sur des états où rien n’advient réellement mais où la tension est pourtant toujours présente, permet de prolonger ce parcours chimérique.

L’auditeur feuillette ce carnet de bord qui se remémore ce qui déjà n’est plus, s’étonnant chaque fois de la capacité de ces musiciens à créer des univers sans savoir dans quoi ils s’engagent au préalable. Avec obstination, ils dessinent une nouvelle fois des peintures fantasmagoriques que seule l’oreille peut appréhender.