Scènes

Mâles confidences...


« Le Mâle entendu », vendredi 20 janvier 2012

Nancy Huston, voix / Edouard Ferlet, piano / Jean-Philippe Viret, contrebasse / Fabrice Moreau, batterie

Texte et musique : Jean-Philippe Viret, Edouard Ferlet, Fabrice Moreau
Idée originale, mise en forme : Nancy Huston

Le soir, quand se tamise la lumière noire et rouge de l’amphithéâtre de l’Opéra de Lyon, les langues du trio de Jean-Philippe Viret, Edouard Ferlet et Fabrice Moreau se délient, mais c’est Nancy Huston, passeuse des trois musiciens, qui raconte leurs joies, leurs certitudes, leurs souffrances, leurs colères, leurs doutes de mecs.

Jean-Philippe Viret Trio + Nancy Huston © H. Collon

C’est quoi exactement, un homme ?

Il a fallu l’aide de quelques soirées arrosées pour que naisse l’idée d’en faire un spectacle. Jean-Philippe Viret et ses comparses ont rencontré une écrivaine, belle, charismatique. Nancy Huston, telle une psy, les a « mâle » entendus dans leurs confidences.

Qui d’entre les trois parle par la bouche de Nancy ? Peu importe, car leur discours sensible, impudique, parfois cruel ou violent envers les femmes et envers eux-mêmes, reflète les dilemmes des hommes d’aujourd’hui : le rapport au Père et avec la performance « Tu seras le plus fort, mon fils », le refoulement de leur sensibilité « Tu ne pleureras point », leurs premiers émois amoureux, leurs fantasmes de la « première fois » et déception de ce rendez-vous manqué, la découverte du corps des filles, la prise de conscience de leur propre séduction, leurs rapports avec la concurrence, le désir d’être père, et puis, un cri de colère au milieu de la musique nous fait sursauter... la violence, présente en chacun de nous et qui surgit, qui peut être destructrice... et qui a besoin de se sublimer par la création musicale.

Finalement, c’est le besoin des hommes de se livrer, de façon parfois crue, cruelle, parfois drôle, dans ce qu’ils ont de très intime. Le corps de Nancy est leur corps, habillé de noir et rouge, en veston, cravate et chapeau, qui, tout au long de la prestation, se transforme. Le regard dur et conquérant, machiste à leur corps défendant, au début du spectacle, s’adoucissant peu à peu, tandis que la part féminine en chaque homme reprend sa place.

Retirant un à un les attributs masculins, le corps mâle se fait « Homme », et Nancy redevient femme, quand le chapeau redécouvre sa longue chevelure.

L’univers délicat du trio colle parfaitement avec ces mâles confidences ; chacun à tour de rôle vient prendre la place de la narratrice, abandonnant son instrument, et, non sans une certaine émotion, assume ses dires... comme de « mâle » entendu.


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