Les oiseaux qui chantent en ouverture de « Koral » symbolisent mieux que tout la trame musicale que Maridalen va dérouler dans ce premier album ; la poésie qui s’en dégage résume l’intentionnalité du trio norvégien. La trompette de Jonas Kilmork Vemøy n’est jamais totalement étrangère à ceux qui ont propagé la délectation d’un jazz intimiste, Chet Baker ou Tom Harrell entre autres. « Blir det regn i dag, tru ? », est-ce qu’il va pleuvoir aujourd’hui ? Si les navigateurs nordiques se sont toujours posé cette question, le saxophone d’Anders Hefre fait tournoyer des notes unies au souffle de la trompette et qui laissent entrevoir un temps incertain. Tout en douceur, l’archet d’Andreas Rødand Haga se promène sur les cordes de la contrebasse, « Svartoren » évoque les ambiances caractéristiques que créait le batteur finlandais Edward Vesala à cette époque lointaine où le jazz scandinave commençait de s’affirmer. « På gjensyn » apporte un équilibre entre un swing intemporel et cette suavité nordique. L’apparente simplicité de certaines compositions tend à privilégier la notion d’espace comme un élément à part entière de la musique. Maridalen ouvre la porte à de nouvelles contrées.

Le trio est lancé et sa renommée commence à s’étendre bien au-delà de la cité de Maridalen qui tire son nom d’une vallée située au nord d’Oslo. La majeure partie de cette région faiblement peuplée est constituée du lac Maridalsvannet, qui sert de principale source d’eau potable à 90 % de la population d’Oslo. L’eau demeure un élément majeur pour ce trio. La musique de ce deuxième album publié en 2022 privilégie les climats méditatifs. Bortenfor, tout comme son prédécesseur, est enregistré dans la vieille église en bois de Maridalen. « På nye eventyr » propose de nouvelles aventures, Aleksander Sjølie au piano et Emil Brattested à la pedal steel guitar font une apparition remarquée, contribuant ainsi à élargir le spectre sonore. « M​å​nesykkel » et son jeu de questions-réponses établit la parfaite connivence entre Jonas Kilmork Vemøy et Anders Hefre ; le contrechant d’Andreas Rødand Haga, tout en délicatesse, sublime cet acte musical. Plus dynamique, « Sandermosen » confirme bien la capacité de renouvellement du trio de même que « I havn » où les chœurs et la pedal steel guitar rehaussent la mélodie. L’écriture brille par son authenticité et délivre dans Bortenfor un message philosophique où la nature est reine.

Le troisième album Gressholmen, enregistré sur l’île du même nom et publié en 2024, se veut plus ambitieux et amplifie les sonorités du trio. En plus d’Emil Brattested à la pedal steel guitar, c’est l’arrivée d’Erland Dahlen aux percussions, à la scie musicale et au dulcimer qui va métamorphoser la formation initiale. Cette occasion permet de régénérer des climats jusqu’alors minimalistes et, si les compositions se diversifient, la musique tend à se défaire du formalisme. « Fuglefangeren » et « Folket på berget » attisent la curiosité, chantants et éloquents à la fois. La vigueur apportée par la multitude de percussions d’Erland Dahlen revitalise « I nattens mulm og m​ø​rke » et « Dornier Jo D », ce qui renforce la corporalité harmonique. Les ambiances musicales de Gressholmen demeurent fructueuses et préfigurent une formation élargie à court terme.

Maridalen préserve une ligne directrice fastueuse avec ces trois disques publiés par Jazzland Records. La volonté commune de ces musiciens est de permettre à leur musique de viser un moyen d’expression à vocation humaniste.