Chronique

Mark Alban Lotz & Islak Köpek

Istambul Improv Sessions May 4th

Mark Alban Lotz (Flutes), Şevket Akıncı (g), Kevin W. Davis (cello), Volkan Terzioğlu (ts), Robert Reigle (ts), Korhan Erel (laptop, elec, fx)

Label / Distribution : Evil Rabbit

Reconnu comme l’une des formations les plus influentes de la scène improvisée turque, le quintet stambouliote Islak Köpek se situe aux confins de la musique électronique et du free le plus radical. Si deux Américains installés en Turquie, le violoncelliste Kevin W. Davis et le saxophoniste Robert Reigle sont des membres permanents du groupe, le guitariste Şevket Akıncı, dont le jeu très bruitiste répond au ténor fiévreux de Volkan Terzioğlu, et surtout l’électronicien Korhan Erel et ses atmosphères spectrales, en constituent la base immuable.

Après avoir croisé la route de musiciens tels que Lê Quan Ninh et publié plusieurs albums en Turquie, c’est avec le flûtiste Mark Alban Lotz qu’Islak Köpek a enregistré en 2010 Istambul Improv Sessions May 4th, désormais présenté sur le luxueux label Evil Rabbit du pianiste batave Albert Van Veenendaal. Musicien sans frontières dont on a pu récemment apprécier le solo, Lotz a montré par son imposante discographie qu’il était féru d’ambiances bigarrées où la préparation de ses instruments prend une large part. A ce titre, la rencontre avec Islak Köpek semblait inéluctable. Elle s’inscrit dans une période importante, puisqu’on avait pu écouter il y a quelques années Istambul Improv Session May 5th avec le guitariste Umut Çağlar. Conçu comme une succession de duo et de trios, le disque explore des atmosphères à la fois capiteuses et alcalines malgré leur aspect résolument brut.

Lorsqu’il s’empare de sa flûte basse en compagnie des deux saxophonistes sur « Mouths », la musique se fait presque chambriste tout en restant sur le qui-vive, prête à bondir dans un registre aux limites de la musique contemporaine. De même, lorsque il fait face à Akıncı et Erel sur le pénétrant « Down », on peine à séparer le souffle des abrasions électroniques ; une alchimie persistante qui signe la forte complicité entre Lotz et Erel, lequel retravaille parfois en direct les interventions du flûtiste. Ainsi « Mouthstrap » et ses tintements synthétiques évoque un temple tibétain revisité par la musique concrète. Même lorsque les musiciens sont au complet, sur le très profond « Us » par exemple, le ton n’est pas au rapport de force. Les ordinateurs se propagent à tous les instruments et entraînent un discours collectif qui s’enfle à mesure qu’il avance, sans rupture ni haussement de ton. Un disque sans concessions, qui ouvre une lumineuse fenêtre sur des musiciens à suivre avec grand intérêt.