Mark Lotz
Freshta
Mark Lotz (afl, bfl, bamboo fl, eff), Claudio Puntin (cl, bcl, misc), Jeroen van Vliet (p, eff), Jörg Brinkmann (cello, eff), Dirk-Peter Kölsch (d)
Label / Distribution : Zennez Records
Commençons par l’une des évocations musicales prégnantes de Freshta, « Malala » dédiée à Malala Yousafzai, militante pakistanaise des droits des femmes, opposée aux talibans qui tentaient d’interdire la scolarisation des filles. Victime d’une tentative d’assassinat qui l’a grièvement blessée en 2012, cette femme courageuse a obtenue le prix Nobel pour la paix en 2014 avec l’Indien Kailash Satyarthi, militant des droits de l’enfant et de l’éducation.
L’album est dédié à la mémoire de Freshta Kohistani, militante afghane tadjike des droits des femmes et pro-démocratie, assassinée par les talibans en 2020 à l’âge de vingt-neuf ans. Une série d’assassinats similaires suivirent, ciblant des militant·e·s, des politicien·ne·s et des journalistes opposés aux talibans. Mark Lotz a pris soin de dédicacer chacune de ses onze compositions à des militantes d’Asie, d’Amérique Latine et d’Afrique. « Freshta » introduit une énergie flamboyante au déroulement de l’album : quel meilleur préambule pour dénoncer la barbarie par cette orchestration riche harmoniquement ? Mark Lotz sculpte là un solo de flûte étincelant. La combinaison qui unit le piano de Jeroen van Vliet et les clarinettes de Claudio Puntin donne une identité forte à l’album, le choix du violoncelle de Jörg Brinkmann plutôt qu’une traditionnelle contrebasse convient bien aux compositions pénétrées par l’atonalité.
L’exaltation qui se propage dans « Isabel », dédicacé à Isabel Cabanillas de la Torre, assassinée en 2020 et membre active des Hijas de Su Maquilera Madre qui défendent le droit des femmes, est investie d’un élan rythmique implacable. L’incantation portée par la flûte en bambou dans « Wangari » célèbre la mémoire de la première femme africaine à avoir reçue le prix Nobel de la paix en 2004, Wangari Muta Maathai, biologiste et fondatrice du Green Belt Movement en réaction à la déforestation croissante au Kenya. Les interventions nuancées de Dirk-Peter Kölsch, connu pour avoir côtoyé avec le même bonheur Peter Brötzmann et les orchestres symphoniques, s’avèrent pertinentes. Il est le batteur idéal pour introduire sans relâche une palette de sonorités suggestives.
Freshta confronte les idées musicales ardentes de Mark Lotz à une thématique audacieuse. Quatre femmes valeureuses ont été citées dans cette chronique, il y en a sept autres à découvrir dont les noms sont également accolés à des compositions musicales singulières. Par son œuvre peuplée d’une atmosphère sombrement tragique mais qui célèbre des personnalités exemplaires, Mark Lotz a inscrit Freshta au sommet des albums conceptuels.