Chronique

Martin Wind, Philip Catherine, Ack Van Rooyen

White Noise

Martin Wind (b), Philip Catherine (g), Ack Van Rooyen (bugle).

Label / Distribution : Laika Records

Installé depuis 25 ans à New York, Martin Wind publie avec White Noise son onzième album. Après Light Blue en 2018, on retrouve le contrebassiste allemand aux côtés de deux musiciens amis avec lesquels il collabore de longue date : le guitariste belge Philip Catherine et le trompettiste bugliste hollandais Ack Van Rooyen.

Voilà un trio de haute tenue aux couleurs européennes, armé d’une sensibilité mélodique éclatant aux premières notes d’un album dont le caractère intime et la tonalité confidente pourraient laisser imaginer que les musiciens pressentaient le chamboulement du monde à venir, quelques mois seulement après son enregistrement en novembre 2019.

Martin Wind a voulu, avec de tels partenaires auxquels il voue une grande admiration depuis ses années d’adolescence, « faire chanter les instruments » tout en privilégiant une esthétique minimaliste, ce qu’il définit par la notion de « Less is More ». Un défi parfaitement relevé. Entre compositions originales (trois sont signées par le contrebassiste) et reprises de standards (dont un lumineux « Everything I Love » de Cole Porter), toutes les conditions sont ici réunies pour délivrer une musique pacifiée, d’une grande douceur, fortement dosée en lyrisme. Elle met ainsi en lumière, sans qu’ils ne cèdent jamais à la tentation d’une démonstration qui n’est plus de leur âge, la fluidité et l’expressivité du jeu de chacun des musiciens. La composition titre est à cet égard exemplaire : délicatement flottante, d’une évidence trompeuse, toute en sensibilité et écoute de l’autre – n’oublions jamais que l’interaction est l’oxygène du jazz – elle est à elle seule un moment d’apesanteur caractérisant le disque dans son ensemble. Tout cela chante, et si par prudence on évitera d’évoquer l’idée de bonheur, il est certain que la joie habite les huit compositions au programme. La texture sonore du trio, toute en élégance feutrée, est de plus parfaitement restituée par une prise de son sans faute.

Dans les notes de pochette, Martin Wind évoque un échange avec Ack Van Rooyen à qui il disait qu’il avait joué « comme un ange » : outre que cette phrase résume parfaitement l’état d’esprit qui régnait à Malines (Belgique), la réponse du Hollandais – dont le bugle est un enchantement constant – ne manque pas d’humour : « Peut-être, mais comme un ange à la retraite ». Charme et élégance en action, on l’aura compris. Laissez-vous donc séduire.