Chronique

Matt Ulery

The Pollinator

James Davis, tr - Dustin Laurenzi, ts - Steve Duncan, trb - Paul Bedal, p - Quin Kirchner, d - Matt Ulery, sousa/comp

Label / Distribution : Woolgathering Records

La première impression que l’on se fait d’un album inconnu vient généralement de sa pochette. La couleur, le graphisme, la photo, le collage, l’art-work choisi comme illustration déterminent souvent un choix esthétique lié au genre musical, à l’ambiance de l’album ou encore aux messages que le ou les musiciens veulent véhiculer. Il est peu probable que la couverture d’un album soit choisie au hasard, c’est la raison pour laquelle l’un de mes passe-temps favoris consiste à traîner chez les disquaires et choisir des albums en fonction de leur pochette. De ce passe-temps résultent de formidables découvertes, et parfois de grosses déceptions.

Familière de la musique cinématographique de Matt Ulery depuis l’album Wake an Echo (2013), je ne m’attendais pas à un tel art-work (signé Jesus Correa) pour son dixième album : The Pollinator. Celui-ci n’a rien à voir avec les précédents albums du contrebassiste chicagoan, dont les pochettes sont généralement plus sombres. J’ai donc tout de suite imaginé des morceaux très mélodiques, pareils à ceux d’un film d’animation. Mais comme dit le vieil adage : « L’habit ne fait pas le moine » : dès les premières notes de l’album je me suis retrouvée propulsée en plein carnaval. Comme si un brass-band en provenance de la Nouvelle-Orléans s’était mis à défiler dans mon salon.

Avec The Pollinator, pour lequel il s’accompagne de Dustin Laurenzi (saxophone ténor), James Davis (trompette), Qui Kircher (batterie), Paul Bedal (piano) et Steve Duncan (trombone), Matt Ulery met de côté la contrebasse pour reprendre le sousaphone - instrument très utilisé par les bassistes de brass-bands néo-orléanais - comme il l’avait fait en 2016 dans Festival.

Cet album est une célébration des années folles, un hommage aux grands musiciens de cette période qui ont donné ses lettres de noblesse à la musique américaine, parmi lesquels Duke Ellington ou Jelly Roll Morton. Les mélodies sont sophistiquées, pétillantes sur un fond rythmique assez complexe, méticuleusement construit, le tout entrecoupé de moments d’improvisation donnant l’impression que les morceaux sont des enregistrements live.

L’expressionnisme musical d’Ulery ne fait que sublimer ce style de jazz traditionnel. L’album s’ouvre sur des compositions dynamiques, excitantes, festives : du swing et une pointe de soul. Le tempo ralentit ensuite à partir du titre « Jelly », qui ouvre alors sur un ensemble plus lent, dont « Feed » et « Clover ». Ce dernier titre termine d’ailleurs l’album sur une composition dont le groove mélancolique annonce la fin d’une fête. Un morceau dans lequel les musiciens se laissent aller à une improvisation collective, révélant pour la dernière fois leur talent et leur cohésion.

Plus j’écoutais l’album, plus j’avais envie de sortir. D’arpenter les rues parisiennes à la recherche d’un club de jazz fumant. The Pollinator est une bouffée d’air frais. Un album qu’il faut écouter et réécouter et qui vous fera très certainement taper du pied.

par Mélodine Lascombes // Publié le 13 décembre 2020
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