Chronique

Mengis / Pfammatter / Hagen / Papaux

Live at Capitol Brig

Manuel Mengis (tp, elec, fx), Javier Hagen (voc), Hans-Peter Pfammatter (cla, elec, fx), Marcel Papaux (perc)

Label / Distribution : Wide Ear Records

Souvent à la pointe d’une musique sophistiquée et très ouverte, le label Wide Ear Records, basé en Suisse, n’est jamais avare de surprises. C’est donc avec un certain naturel que nous retrouvons avec Live at Capitol Brig le trompettiste Manuel Mengis sur son catalogue. On est heureux de retrouver le soufflant suisse, quelques années après le Pot et les différents avatars de ses Gruppe dans un nouveau projet, avec de vieux camarades comme le claviériste Hans-Peter Pfammatter et des collaborations récentes comme le percussionniste Marcel Papaux. Mais aussi une tête nouvelle, le chanteur lyrique Javier Hagen, dont le travail sur les onomatopées, son parmi les sons, offre une dimension nouvelle à la musique de Mengis.

Double album enregistré sans filet, Live at Capitol Brig est un dédale d’électronique qui cherche un équilibre et le trouve, comme une mécanique folle qui trouverait un rythme. On connaît la relation forte qui unit Pfammatter et Mengis, elle fait merveille dès l’ouverture du premier des deux albums, dans une atmosphère qui doit beaucoup aux années électriques de Miles Davis, un paradigme que nous avions déjà expérimenté avec Le Pot. Mais la relation avec Papaux, pas si vieille au sein de HicSuntLeones, est celle qui offre le plus beau panorama de l’univers en cours dans ce quartet : dans « IX », sur le premier disque, au milieu d’une forêt primaire d’électronique et des feulements de Hagen, c’est la luxuriance de l’échange entre les peaux et le souffle qui donne le tournis ; Manuel Mengis, pourtant avare de gestes et de parole tout au long de la rencontre, s’engage dans un jeu plus percutant qui se dédouble et se dépasse par une électronique que la voix du ténor, mystérieusement, incarne.

Musique de l’infiniment petit, ce double album offre l’occasion de renouer avec la douceur et l’inventivité du jeu de Manuel Mengis. Sa grande poésie également, notamment lorsqu’il s’adjoint le travail de Javier Hagen, qui transforme littéralement cette musique dans sa seconde partie, alors que les effets de Pfammatter montent en fièvre. La petite mécanique subtile et imprévisible de Mengis trouve avec ces compagnons une nouvelle dynamique, sans doute moins directe que ce qu’il proposait avec Le Pot, mais qui annonce clairement de nouveaux terrains à défricher, selon des chemins très familiers.

par Franpi Barriaux // Publié le 8 janvier 2023
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