Chronique

Michael Felberbaum

3ELEMENTS

Michael Felberbaum (g), Frédéric Borey (ts, ss), Leonardo Montana (p, Fender Rhodes)

L’art du trio ne se réduit pas à la formule piano/basse/batterie, avec ses multiples combinaisons sur les rôles de chacun. Les trois éléments, guitare/sax/claviers, réunis ici renouent avec le langage de Jimmy Giuffre et de ses trios, mais sous une forme plus radicale encore : pas de contrebasse. D’où une rupture avec la théorie dualiste qui a jalonné l’histoire du jazz, mettant face à face section harmonique et section rythmique. Avec les incertitudes concernant la place du piano, puis, après la révolution Scott LaFaro, celle de la contrebasse. Ce dualisme, philosophique (l’esprit et la matière), religieux (l’âme et le corps), idéologique (l’intellectuel et le manuel) est ici mis en miettes, et cet enregistrement révèle au contraire une conception quasi-moniste (une seule substance). Il y a des précédents dans l’histoire du jazz, à commencer par le Hot Five de Louis Armstrong, poursuivi dans la décennie 70 par le trio Air, avec les changements de rôles des trois protagonistes. Ce monisme se retrouve aussi dans les références des compositions aux catégories jazz, rock, folk, classique baroque « Segui, Segui Dolente Core », Brésil, montrant l’unicité de la musique à travers le pluralisme de ses formes d’expression.

Ce choix de la radicalité n’aboutit pas à un plan d’austérité. Ici, tout semble limpide, à travers la diversité des compositions. Huit sur douze sont signées Michael Felberbaum, mais dans « Mobil », on saisit tout de suite le démarquage de « Limbo » de Wayne Shorter. On retrouvera, avec « Mercedes Benz » la patte de Janis Joplin. En véritable leader, précisément, Michael Felberbaum ne cherche pas à dominer ses collègues. Il impulse les idées essentielles et crée les conditions optimales pour que s’expriment au mieux les talents respectifs de chacun.

Sans agressivité, 3elements n’est pas une musique de pure distraction. Au contraire, ses beautés demeurent cachées à la première écoute, et le principe de plaisir ne relève pas de la facilité et va plus loin que l’agrément. Les trois protagonistes sont parfaitement en phase pour la réalisation d’un véritable projet.